TOC...TOC...TOC

En cette fin de première vague de confinement, j’ai découvert, grâce aux réseaux sociaux, que quasiment tout le monde comptait tout et rien.

Le nombre d’arbres devant la fenêtre, puis le nombre de feuilles. Beaucoup se sont mis aux grains de riz.

(C’est, dans ces circonstances que l’on vérifie l’intérêt des réseaux sociaux et la part qu’ils prennent dans l’expansion de la solidarité collective.)

J’ai analysé les différents types de comptage.

Certains utilisent une méthode scientifique consistant à peser un grain (pas facile) et à rapporter le résultat au poids du paquet. Mais, divers travaux jettent le doute en raison d’un manque de fiabilité concernant la précision des balances.

D’autres restent partisans de la méthode dite « grain à grain » plus précise quoique un peu longue et légèrement fastidieuse. D’autant que plusieurs incidents de parcours ont été cités: verre d’eau renversé et dévastateur, aide malencontreuse du chat, hésitations à propos de grains collés …

J’en ai conclu que les résultats se situaient entre 55 000 et 60 000 grains et restaient approximatifs.

Donc, conclusion peu probante amenant insatisfaction et frustration.

La lecture de ces expérimentations m’a donné l’idée de tenter ma chance.

J’ai compté les lettres d’un paquet de 500 g de pâtes alphabet : 27623 lettres. Ça en fait des scrabbles.

Ce qui met le poids de la lettre à environ 0,0181 gramme et le prix de la lettre à environ 0,00002715 euro. Informations indispensables à ma survie !

Puis, j’ai attaqué les boîtes de petits pois.

673,25 pour les boîtes 800 gr de petits pois très fins et 796,5 pour les boîtes de 800 gr extra-fins. La décimale est due au fait que certains petits pois sont cassés.

Cette semaine, j’ai lâchement abandonné au milieu de la semoule.

On sait que la période de confinement conduit à une introspection, un retour sur soi et ces tentatives arithmétiques m’ont fait prendre conscience que je comptais depuis toujours.

En montant ou descendant un escalier, je comptais les marches et me demandais toujours « doit-on comptabiliser le pas d’arrivée sur le sol ou le palier comme une marche ? ».

Je comptais le nombre de pas entre 2 trottoirs, le nombre de lampadaires, le nombre de gouttes d’eau qui continuent à tomber après la douche

Je faisais mentalement des paris : « après combien de secondes, une nouvelle voiture passera devant ma fenêtre, 1,2,3 …. »

En fait, je ne comptais pas, c’était mon cerveau qui intégrait le calcul à mon insu.

Intrigué je me suis penché sur Wikipédia qui m’a révélé qu’il s’agissait de troubles obsessionnels compulsifs – TOC – , actes normaux, mais non réalistes, appliqués de façon mécanique, et répétés de façon excessive. Ces compulsions sont destinées à soulager l’anxiété et la détresse, à relâcher une tension interne.

Ces troubles étaient déjà connus au XVIIIe siècle et dans une conception mécaniste, ces idées fixes étaient détachées du cerveau par des moyens physiques (balançoires et chaises rotatives).

Donc, à part les traitements en vigueur à l’époque, ce TOC n’était pas anormal en cette période de stress et je n’étais pas le seul humanoïde comptabilisateur.

Je me suis souvenu des personnes qui re-comptaient systématiquement leur addition dans les restos avec, généralement, une mimique incrédule, stupéfaite, pleine d’un étonnement déjà revendicatif, et, en cas de groupe, l’instantanéité de la division.

J’ai également découvert ce site étonnant http://www.worldometers.info/fr/

qui comptabilise, en temps réel, l’évolution d’un certain nombre de données concernant la population l’économie, l’alimentation, l’environnement …etc

Rasséréné par ce TOC du comptage quasi universel, j’ai décidé de le rentabiliser en l’associant à l’autre TOC classique, le lavage des mains, devenu geste barrière. Un double TOC en quelque sorte.

Pour satisfaire aux besoins sanitaires consommateurs de données, il pourrait être salutaire de créer une appli sur le modèle de celle existante qui comptabilise les pas dans la journée, la semaine avec courbes d’évolution…etc.

Dans l’attente, je dénombre de façon artisanale : comptage par demi- journée, tableau excel et c’est ainsi que j’ai évalué ma quantité de lavages de mains en 2 mois à 1440 x 30 secondes, soit 12h « les mains au bain ». Va falloir que j’en parle au Pr Raoult, il devrait pouvoir en faire une communication.

On peut conclure de ces investigations que depuis le confinement l’arithmomanie nous submerge. Certes le confinement est long, surtout sur la fin. Mais, Est-ce bien raisonnable ?

Pour contourner cette tendance, et lui trouver une alternative je me suis mis à l’écriture. Vous en trouverez un exemple ci-après.

« Conte à dormir debout

Le compte à rebours avant le déconfinement a commencé mais il faut que le 7 mai, le compte soit bon.

En fin de semaine passée, le ministre Véran nous avait alertés et signalés que nous étions encore loin du compte.

Pour en rajouter, le Pr Salomon dans son sinistre décompte nous prévenait que le compte n’y était pas et que de nombreux départements resteraient en rouge.

Surprise qui a entraîné des comptes d’apothicaire entre certains élus et autorités de santé pour gagner le droit au vert.

Tout compte fait, beaucoup de territoires s’en tirent à bon compte en dépit des règlements de comptes entre scientifiques. Pour les uns, des expérimentations sans « groupe placebo témoin » comptent pour du beurre tandis que d’autres estiment n’avoir de compte à rendre à personne.

Enfin, on peut se rendre compte, que la pandémie a été contenue, compte tenu du respect d’un confinement correct et que, pour le déconfinement, les autorités comptent sur notre stricte application des gestes barrière.

Au bout du compte, à titre personnel, j’aurais néanmoins trouvé mon compte en écrivant pendant cet isolement, ce qui n’est pas le cas des commerçants ou artisans qui sont à leur compte, qui ont dû, pour certains d’entre eux, donner leur compte à leurs salariés et se sentent laissés pour compte par les autorités.

Bon …Je crains ne pas être guéri de mon TOC !

Pour lutter contre ces symptômes, il faudrait trouver un synonyme à chaque « compte ».

Je compte sur vous, les bons comptes faisant les bons amis.

PS : avez-vous remarqué que si on lit des contes à nos enfants on n’écoute pas des contines mais des comptines (Formule que récitent les enfants pour déterminer, par le compte des syllabes, celui à qui un rôle sera dévolu dans leurs jeux).

La comptine en lien ci-après témoigne de nos envies de grand air.

https://binged.it/3c76WFy

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