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  • Photo du rédacteurLes instants du temps

Ségur...c'est pas sûr !


Lettre de Sophie Rostopchine, comtesse de #Ségur, à sa fille Olga.

À LA VICOMTESSE DE PITRAY

Les Nouettes, 20 juin

Chère enfant, chère Minette, J’ai enfin reçu ta lettre en allant à la Visitation.

Chère petite, quelle affreuse pensée tu as de te corriger de ta charmante et vertueuse exactitude de correspondance !

Quelle fausse pensée qu’un jour sans lettre donnerait de l’inquiétude ! Ce ne serait que de la privation, de la tristesse. Et nous savons combien le service rural de la poste fonctionne mal ces derniers temps.

Je te remercie beaucoup des détails qu’elle contient concernant cette épidémie qui gagne notre verte Normandie.

Ta reprise de fièvre et de crampes d’estomac me préoccupe péniblement en indiquant jusqu’à quel point ta santé est détraquée ; Mais qu’y faire, sinon patienter et patiemment souffrir?

J’ai des regrets pour ta bonne, atteinte de folie furieuse mais, comment a-t-elle pu perdre l’esprit, n’en ayant jamais eu.

Hier, j’avais mon rhumatisme au cœur, ce qui a troublé ma nuit qui aurait dû me porter conseil et qui n’a pas fait son métier. C’est que, si j’ai beaucoup d’admiration pour nos garde-malades qui, paraît-il, sont saluées comme il convient à Paris, j’éprouve une grande désolation à l’égard de nos médecins qui ne sont pas d’accord pour soigner cette maladie. Certains sont surtout devenus d’excellents discoureurs qui ont séduit en mettant en avant des affirmations non fondées. Les journalistes, qui ont également très rarement de culture scientifique, adorent la controverse puisqu’elle fait vendre.

Tu sais combien, ma chère petite, plutôt que la pharmacie, il vaut mieux utiliser de simples remèdes chez soi : eau panée, cataplasmes camphrés, sinapisés à la moutarde, sangsues qu'il faut abreuver d'eau fraîche (et non de l'eau du puits qui leur serait fatale), bains de pieds à la moutarde, au sel et au vinaigre, à la cendre, ventouses, sirop d'ipécacuana (trois onces), eau de Pagliari pour les hémorragies, farine de lin pour cataplasmes, onguent de colimaçons recouvert le tout de feuilles de laitues pour les blessures…

Tu sais, ma chère enfant, que les bonnes humeurs sont dans la tête, la gorge, la poitrine, les mauvaises sont dans le bas.

Chère petite, je suis en l’air ; je ne sais ce que j’écris ; je ne devais pas t’écrire, je ne voulais pas t’écrire, et pourtant je me trouve pouvoir, devoir et surtout vouloir, car j’ai reçu ce matin les nouvelles de la tenue d’une grande conférence sur la santé. On lui a donné le nom de Ségur.

J’en ai été flattée. Tu connais mon goût pour la médecine et mon souci de la santé aussi bien des enfants que des adultes. J’ai pensé que l’on avait, enfin, reconnu les vertus de ma brochure intitulée « La santé des enfants ».

A ma grande désolation, chère petite, c’était ton arrière, arrière grand père que l’on glorifiait. Lui, Philippe-Henri, secrétaire d’état à la guerre, Maréchal de France, un soldat pour parler santé. Ridicule. Même si je souhaite la paix de l’âme de Philippe-Henri compte tenu de ses épousailles avec une créole de Saint Domingue ; en ce temps de rumeurs coloniales ce sacrement le rachète, dans mon esprit, de tous ses instincts guerriers.

Hier, mon réveil fut donc lugubre, et je ne comprends pas pourquoi ces messieurs m’ont oubliée alors qu’il s’agit de santé.

Tu te souviens, ma chère enfant, comment j’ai innové en avertissant les mères de ne pas faire têter l'enfant au moindre cri et recommandé également, de ne pas langer les enfants trop serré, apprendre aux enfants à se gargariser et cela dès "quinze ou dix-huit mois ».

Si ces messieurs de la conférence ne souhaitent pas s’entourer de mes bons conseils, je constate, néanmoins, que notre gouvernance, monstre d’efficacité, de pragmatisme, et toujours soucieuse d’économies des finances publiques a su s’entourer d’organismes et de lumières scientifiques capables d’arrêter le fléau :

- Le Ministre de la Santé

- Le directeur Général de la Santé

- La direction de Santé Publique France

- Le Directeur de la Haute Autorité de Santé

- Les Directeurs des Agences Régionales de Santé

- Le Directeur de l’Agence nationale Sanitaire

- la Direction de l’Alliance Nationale pour les Sciences de la Vie et de la Santé : Épidémiologie-France

- Le Centre National de Recherche Scientifique en Virologie Moléculaire

- L’agence Nationale de sécurité du médicament et de la Santé.

- Un nombre d Infectiologues Parisiens incroyablement élevés,

- le Haut Commissariat de lutte contre les épidémies

- Le Haut Conseil de Veille Sanitaire

- L’agence Nationale de Sécurité de Logistique Médicale.

- De nombreux fonctionnaires en plus.

Dieu merci, le charme de notre conversation me fait oublier l’ennui de ces affaires.

Mais il faut que je te quitte, ma Minette chérie; je suis pressée, tu es ma troisième et dernière lettre pour ce matin. Mon temps de poste est écoulé.

Adieu, enfant chérie, enfant charmante, enfant gâtée. Je t’embrasse, je t’embrasse, je t’aime et je t’aime. Mes amitiés à Victor, Jean, Adèle et Arthur (double dose à ces deux-là), Laure, Zoé, Raoul. Ouf ! Quelle nombreuse famille ! Adieu, chérie.



Hé oui, chère comtesse, en 2020 pour sauver l’hôpital, le gouvernement a inventé le #Ségur de la Santé qui s’est penché sur les salaires des personnels, les soins, les investissements nécessaires ainsi que la gouvernance des hôpitaux.

En m’interrogeant sur l’appellation de cette grande négociation « Ségur », j’ai immédiatement pensé à vous, chère comtesse de Ségur.





Je connaissais la Bibliothèque rose et quelques-uns de vos ouvrages :

Les Petites Filles modèles, Les Vacances, Les Malheurs de Sophie …

J’ai surtout découvert qu’au-delà de ces récits d'agréables souvenirs d'enfance, vous aviez commis de nombreux écrits sur la santé.





Votre légitimité en termes de santé se retrouve également dans de nombreuses lettres, notamment celles adressées à votre fille Olga de Ségur, vicomtesse de Pitray (que vous surnommez, plaisamment, Minette).

Malheureusement, le sens de l’appellation #Ségur pour la conférence est beaucoup plus prosaïque.

Il s’avère que le ministère de la Santé se situe en partie sur l’avenue de Ségur –le secrétaire d’état à la guerre- à Paris. Ce n’est pas la première fois qu’une rue donne son nom à une grande consultation.

On connaît le Grenelle. Ce mot est apparu dans la foulée de Mai 68. Le mot grenelle est ensuite entré dans le langage politique.

Plus de 150 Grenelle se sont tenus depuis Mai 68, et c’est pour éviter de donner le sentiment de déjà-vu que le gouvernement a préféré le terme "Ségur".

S’il y a pu avoir méprise sur l’appellation « Ségur » de la conférence, on peut espérer que les conclusions de celle-ci ne tromperont pas les attentes du personnel soignant.

Pardon, chère comtesse pour les nombreux emprunts faits à votre courrier.

je sais que vous ne m’en voudrez pas, vous qui avez écrit :

« La modeste et douce bienveillance est une vertu qui donne plus d’amis que la richesse et plus de crédit que le pouvoir » ;

Vous, dont le tombeau porte la gravure «Dieu et mes enfants ».

La Santé chantée par des enfants : la comtesse n’aurait pas désapprouvé !


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