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Photo du rédacteurLes instants du temps

Retraite




Il y a quelques années, un journal télévisé mettait en exergue le mot du jour.

En m’inspirant de cette idée, je me suis posé la question : quel serait le mot que l’on retrouve actuellement sur tous les médias, dans toutes les conversations, dans la rue et les palais dorés.


En fait, ce mot aurait pu être un chiffre :



- 64. 64 ans, l’âge à partir duquel il sera permis de « rouiller ». Encore que beaucoup de personnages publics, atteignant cette année le droit au repos vont néanmoins continuer leur parcours de santé : Eric Zemmour, Jean-michel Aphatie, Charles Berling, Luc Besson, Alain Chabat, Michel Onfray, Marisol Touraine, Lambert Wilson …etc.

Dans le monde artistique, il y a longtemps que les papys pratiquent le come-back après leur coming-out, leur dernière tournée et leur 398° dernier concert.

De nombreux hommes et femmes politiques démontrent, d’ailleurs, de façon exemplaire que l’âge de délivrance peut être dépassé allègrement (8 ont plus de 80 ans, et une soixantaine entre 70 et 80 ans). Il semblerait que la pénibilité ne les atteint pas et ne touche, en réalité, que leur auditoire !

Cette répugnance à quitter la scène pour certains n’a d’égal que le désir de s’en échapper pour une majorité.


- 49-3. Non, ce n’est pas le résultat du match de rugby Angleterre-France. C’est le dernier mot du pugilat législatif. Des pros de la politique en donnent une signification divertissante dans une chronique de Guillaume Meurice.


J’aurais, également, pu gloser à partir de l’un de ces mots à la mode: résilience, bienveillance, sororité, inflation, sobriété… mais je me suis arrêté sur l’incontournable de la période : retraite.


M’interrogeant sur la passe d’armes actuelle concernant cet épineux dossier, j’ai retrouvé une interview exclusive que j’avais réalisée en 2013 sur le même thème. Mon interlocuteur de l’époque était un proche du gouvernement qui avait demandé l’anonymat, compte tenu des déclarations fracassantes, faites sans langue de bois, son parler cash comme on dit maintenant. Dans le dialogue qui suit nous l’appellerons PS.


Moi: Vous avez eu le temps de la réflexion dans l’opposition ; vous avez, donc, dû réfléchir à un système qui sauvera nos retraites pour des décennies.

PS : Pas du tout. Dans l’opposition, on s’oppose, c’est tout. Par exemple, s’agissant des retraites, on répétait sans cesse « touche pas à nos retraites ».

Moi: Cette position, que l’on pourrait qualifier de basique, ne vous a-t-elle pas posé un problème en revenant aux affaires ?

PS : Aucun problème. On reprend la phrase clé qui a marché lors de la précédente modification «la durée de vie s’allongeant, il est normal d’augmenter la durée de travail et de cotisations ». Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.

Moi : Néanmoins, vous deviez avoir des dossiers tout prêts, des idées nouvelles, un changement systémique ?

PS : Ben non, il eut fallu rester plus longtemps dans l’opposition. En plus de s’opposer contre le pouvoir en place, il fallait aussi s’opposer aux autres courants internes. On n’a pas le temps pour l’utopie, l’imagination ; l’objectif est, essentiellement, de prendre et garder le pouvoir.

Et puis, l’absence de dossiers permet de confier la rédaction d’un rapport à un groupe d’amis ; cela crée du travail mais surtout des rémunérations pour des amis qui seront nos obligés et ça permet de gagner du temps. Tenir 5 ans, c’est long, et c’est toute une technique que de faire croire que l’on change sans changer.

Moi: D’où le dernier rapport de Yolande, pardon, Yannick Moreau (moins de talent, mais tant pis). NDLR : Yannick Moreau était à l’époque député divers droite.

PS : Exact. On lui a donné nos conclusions et il a brodé autour. Il en a rajouté un peu pour que la concertation ait l’air d’avoir du sens. Ça se passera pendant l’été, ni vu, ni connu ; il y aura bien quelques grèves à la rentrée mais il y en a tous les ans. Cela fait partie des devoirs de rentrée. Dans le même temps on truquera un peu les chiffres du chômage pour montrer un brusque ralentissement de l’augmentation du nombre de chômeurs et dès novembre, passé Halloween, on poussera le black Friday, les promotions pour Noël. Le tour sera joué.

Moi: Finalement il n’y a pas de nouveautés dans les propositions de Yannick Moreau. On aurait pu imaginer une retraite aux points, un alignement concernant les régimes spéciaux… Monsieur Moreau, si calme jusque-là, s’est mis en colère quand France Info lui a posé la question concernant ces régimes.

PS : La retraite aux points, vous n’y pensez pas. Nos énarques n’ont pas l’habitude d’innover, ils ne peuvent que reproduire ce qu’on leur a appris, trop compliqué, et trop long à mettre en œuvre ; on doit trouver tout de suite quelques milliards pour rassurer les marchés.

Donc, On augmente la durée de cotisations ; tout le monde l’a fait, pourquoi pas nous ?

On fait semblant de toucher aux fonctionnaires mais on s’arrange pour que ça ne change quasiment pas.

On tape les retraités. Ce ne sont pas eux qui nous feront une manif pour tous et le terrain est préparé, car depuis quelques années, on démontre qu’ils ont un pouvoir d’achat supérieur à tout le monde. Ils sont coincés, ils ne peuvent rien faire.

Quant aux régimes spéciaux, parlons-en. S’ils sont spéciaux, c’est qu’il y a une raison.

Moi : La pénibilité ?

PS : Non, la chienlit qu’ils peuvent occasionner. Vous ne voudriez pas que le peuple qui travaille soit, une fois de plus, pris en otage ! Des trains, des bus, des métros, des avions, qui ne fonctionnent pas, des camions qui bloquent les routes et on se met tout le monde à dos, et surtout nos électeurs traditionnels.

Moi : Dans votre liste, vous ne parlez pas du régime spécial des parlementaires.

PS : Non, pour 2 raisons. D’abord, ils ne peuvent pas être juges et parties, ils ne peuvent légiférer sur un point les concernant directement ; ce serait une sorte de conflit d’intérêts. Ensuite, il va falloir que vous appreniez le fonctionnement de la démocratie. Vous avez l’air d’oublier qu’auront bientôt lieu les élections municipales. (NDLR : rappel, cette interview a lieu en 2013 et ce n’est qu’en 2017 que sera instauré le non cumul des mandats) Il faut que nos parlementaires cumulards puissent assurer leurs arrières s’ils doivent prendre de courageuses mesures contre les travailleurs et les retraités. Car ces derniers, par réaction « courtermiste », pourraient ne pas reconnaître le bien fondé du sauvetage de l’Etat bienfaiteur et de ses serviteurs, du sauvetage d’un régime des retraites par répartition juste et équitable, d’un rattrapage nécessaire au niveau européen.

Moi : Quel rattrapage ?

PS : En termes de dépenses sociales, la France est au-dessus de ce que font les autres pays. C’est la raison pour laquelle il nous faut abaisser le poids de cette couverture sociale à la charge de l’Etat pour en faire gérer une plus grande partie par le privé. C’est un début de grand plan social européen, une convergence des différents régimes.

Moi : N’est-ce pas une convergence vers le bas et une montée des inégalités?

PS : Il faut savoir ce que l’on veut. Veut-on des comptes à l’équilibre ? veut-on sauver l’Europe, l’Euro, le lobbying des grandes entreprises qui portent le poids de nos campagnes électorales? ne dit-on pas, sans arrêt, avec une forme de regret et d’impuissance que l’âge de la vieillesse est en constante augmentation ?

Moi : Changeons de sujet. Ne pensez-vous pas préparer le terrain pour le Front National ?

PS : Euh…..Faut bien occuper Mélenchon.


C’était en 2013 … Certes, ces propos sont datés, et toute ressemblance avec des situations actuelles serait pure coïncidence.

Convenez, toutefois, que certaines inquiétantes vérités traversent les époques.


Aujourd’hui, en prime, les débats auront donné lieu au tumulte de cour de récréation à l’Assemblée Nationale. Il est à craindre que le nombre d’abstentionnistes aux prochaines élections va encore augmenter. Autant aller directement dans la rue.

Déni de démocratie a-t-on clamé, mais comme le dit Oscar Wilde : « la démocratie, c’est l’oppression du peuple par le peuple pour le peuple ! ».



Aucun véritable débat sur le texte et, pourtant, le projet ne semble guère abouti et aurait mérité des éclaircissements. J’en veux pour preuve les différentes interrogations relevées ici et là :

- Les trimestres de majoration pour éducation d’enfant tiennent-ils compte de la présence incertaine des enseignants ?

- Sachant que le « projet de loi permet de revaloriser la retraite minimale à près de 1 200 euros brut par mois (soit l'équivalent d'au moins 85% du SMIC net) pour une carrière complète cotisée à temps plein au SMIC, en indexant le minimum contributif (MICO) majoré sur le SMIC. Pour ces assurés, la pension brute, une fois relevée au MICO majoré et complétée par leur retraite complémentaire, atteindra 85% du SMIC net » …euh…euh…je ne sais plus quelle est ma question… !

- Une décote ou surcote est-elle envisagée pour celles et ceux qui font plus ou moins de 35h en année plus ou moins pleine?

- Si on est femme ayant commencé à travailler à 17 ans à mi-temps et ayant eu 3 enfants, quel est l’âge… du capitaine ?

- La clause du grand-père donne-t-elle des trimestres supplémentaires en fonction du nombre de petits enfants ?

- Comment la réforme prend-elle en compte les conséquences du réchauffement climatique ?

- Sera-t-il tenu compte de la pénibilité de concentration nécessaire pour assimiler tous les détails de la réforme ?


Je crains qu’il ne faille convoquer l’intelligence artificielle, le métavers et la réalité augmentée pour saisir tous les méandres du texte.


La limite d’âge ressemble à la ligne d’horizon: 65, 67, 70 ans et plus si affinités. Cotiser jusqu’à perpette ? Nos experts vont ils continuer à concocter, sans imagination, les classiques modalités paramétriques du droit à la retraite ?


Du simple point de vue linguistique, ne se sont-ils jamais posé la question du mot « retraite » et de son ressenti?

Confirmant cette interrogation sémantique, Katherine Pancol précise « Je connais le pouvoir des mots, je sais l’impression qu’ils font sur les ignorants, les mal assurés, comment ils font battre en retraite, rougir, balbutier »


Qu’elle soit progressive, par répartition, capitalisation, complémentaire, bien méritée ou non …le mot me gêne.

Les synonymes ne respirent pas la joie: repli, retrait, évacuation, débandade, éloignement, non-activité, lieu dans lequel on se retire, on s’isole (asile, cloître, tanière) ….

Les expressions courantes ne sont guère plus enthousiasmantes:

- Battre en retraite. immanquablement, on imagine la bérézina, la déchéance après la gloire ; l’annonce de la fin.

- Liquider sa retraite, comme les gangs liquident leurs concurrents.

- Mettre une machine à la retraite, c’est l’envoyer à la casse.

- Caisse de retraite : faillite permanente.



Le mot respire le rabougri, le reclus, le « je ne sers plus à rien », la sortie de route, la mise à l’écart, le non productif alors qu’il est une espérance vers une nouvelle liberté, une prise en compte de soi, un nouvel investissement vers des objectifs hors marché, hors profit, tournés vers une réalisation personnelle ou sociétale.

Certains vocables étrangers nous montrent l’exemple :

- en espagnol ,la « jubilacion » est nettement plus optimiste,

- en polonais, « Emeryturę » prend en compte le caractère émérite du temps passé au travail.



Il conviendrait de contourner cette difficulté linguistique comme nous le faisons ordinairement : les seniors, les non-voyants, les hôtes de caisses…etc.

Voici quelques propositions: Congé à Durée Indéterminée (ce qui est une sorte de prolongement de son CDI), période d’activités choisies, alternance sociale, contrat de transition personnelle, période d’apprentissage essentiel.


La bourse aux idées est ouverte.


Pour ma part, Je retourne dans ma thébaïde méditer et écouter Gilbert Bécaud qui se posait, en chanson, la question de l’âge de la retraite.




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7 comentarios


marymailto
07 may 2023

L'auteur évoque "le mot du jour".

Récemment, lors d'un séjour durant lequel chaque soir nous recevions le programme du lendemain, les auteurs avaient pour ambition d'enrichir notre vocabulaire. Quelle signification , pour un marin, de "la houle" ? et surtout, LE LOXODROME !

En navigation, une ligne de rhumb (ou loxodrome) est une ligne traversant tous les méridiens de longitude sous le même angle, c'est-à-dire une trajectoire dérivée d'un relèvement initial défini.

2 tentatives et le terme du jour fut remplacé par "la journée du ..." bretzel, jazz, anniversaire du roi des Pays-Bas, de la jacinthe, de l'astronomie, ... mais ceci nous ramène à un autre billet de ce blog. https://www.les-instants-du-temps.com/post/la-couleur-des-jours.

Coïncidence ?

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berthejean
07 may 2023
Contestando a

J'ai un peu mal à la tête avec cette histoire de loxodrome...

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docdico
03 abr 2023

Question d’accent.


J’ai vu fleurir sur des pancartes, ou sur des bandeaux des chaînes d’informations, le slogan suivant :


La retraite a 60 ans !


Je suis désolé mais notre retraite, née en 1946, a 77 ans !


Courage!


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docdico
31 mar 2023

Merci à l'auteur pour l'article ci-dessus. Quelle belle synthèse !


J'ai suivi la suggestion de l'auteur et j'ai soumis le problème à une intelligence artificielle bien connue.


A la question: quel est le meilleur compromis pour l'âge de départ à la retraite en France?


Il m'a été répondu: plus un salarié peut partir moins tôt à la retraite, moins il peut partir plus tard.


Tout s'éclaire !


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janinemeurin
31 mar 2023

Merci à Jean Berthe de nous rappeler ce magnifique poème de Victor Hugo ;"L'expiation"...

Pour qui cette "Souffrance imposée ou acceptée à la suite d'une faute et considérée comme un remède ou une purification" ?

Soline n'a pas vu la Vierge, n'est pas à l'origine de miracles ... Sainte parce que vierge et martyre ... Continuité !

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berthejean
31 mar 2023

Pour la première fois l’aigle baissait la tête…


Ce vers ce Victor Hugo me hante mais je mélange tout : la retraite à points, la retraite de Russie. Qui est l’aigle ? Ou va Jupiter ? Qui baisse la tête ? Où neige-t-il ?


France Info, LCI, BFM, C news… Quand on est retraité on a le temps. On est informé. Trop informé?


… Après la plaine blanche une autre plaine blanche …


Ah bon ? Il neige aussi à Sainte Soline ? Ils auraient dû aller à vau l’eau, il n’y aurait pas besoin de bassine !


… On ne distinguait plus les ailes ni le centre …


C’est bien vrai ça ! Quel bordel à l’Assemblée Nationale. Le…


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