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  • Photo du rédacteurLes instants du temps

Retour de flemme

Dernière mise à jour : 13 mars 2023




8H. Je tire ma flemme et les bords de ma couette.

9h - Je me demande par quoi je vais commencer à ne rien faire. Même la procrastination me fatigue.

10h – Je consulte ma « no to do » liste.

11h – Il paraît que c’est le meilleur moment pour un peu d’exercice.

Installé dans mon canapé, je consulte les possibilités de sport à la télé. J’hésite entre le billard ou les fléchettes. Il me faut un sport pas trop perturbant. Finalement, j’opte pour le golf, ce qui va quelque peu m’aérer sans exiger trop d’attention. De fait, il ne se passe quasiment rien. Des plans sur du gazon, sur quelques replis de terrain, sur un peu de sable, la caméra se promène nonchalamment. Attention ! Quelques secondes pendant lesquelles, un type tape sur une balle. Distrait je rate souvent l’action. Puis, quelques secondes d’un plan panoramique sur une boule blanche qui file sur une étendue bleu clair. Peu visible… Et puis on se remet pendant 10 minutes à trottiner.





Zénitude accompagnée d’une boisson appropriée.




Pourquoi cette dormance inhabituelle ? Après le Covid, serais-je également touché par l’épidémie de flemme qui, selon nos experts en sociologie comportementale, atteindrait surtout la jeunesse ? flemme au travail, flemme de sortir, flemme jusque dans les loisirs. Flemme généralisée, entretenue par les consoles de jeux, la société de la livraison à domicile, la société des plateformes dont celle des vidéos à la demande.


Tout, tout de suite, mais sans contrainte, conduit à un véritable business de la flemme.



Poussée à l’extrême cette attitude conduit au « mode Gobelin » popularisé par TikTok et Twitter, élu début décembre «mot de l’année 2022» par le très sérieux Oxford English Dictionary.

Le « mode Gobelin » consiste, de façon durable, à passer ses journées au lit, un œil sur une série télévisuelle, un autre vers l’écran du téléphone, à consommer des pizzas livrées à domicile, à pratiquer une hygiène de vie discutable et à s’isoler socialement .

«Mode Gobelin atteint, j'ai fusionné avec succès avec mon lit et nous formons maintenant une seule entité», déclare fièrement un internaute.


Sans m’inscrire dans cette approche qui se prétend révolutionnaire (très) passive, il semblerait que je ne suis pas le seul à être atteint d’apathie et de ramollissement. Selon l’enquête de la Fondation Jean Jaurès, 45% des Français disent être régulièrement touchés par une épidémie de flemme les dissuadant de sortir de chez eux.

Est-ce grave, docteur, d’être flemmard dans notre société précédemment hyperactive ?


Pas du tout. Surtout, ne pas culpabiliser si on rejoue Alexandre le Bienheureux.



D’une part, la flemme est inscrite dans le patrimoine génétique de l’humanité. Son gène a été identifié il y a déjà plus d’une dizaine d’années par une équipe de chercheurs de l’université du Missouri.

Merci les aïeux.


La flemme est, d’autre part, un signe d’intelligence supérieure.

Selon Cal Newport, professeur à l’Université de Georgetown, la procrastination pourrait être le signe que le contexte ou les opérations à mener ne sont pas adaptés et qu’il faut trouver une meilleure solution avant d’agir.

Des chercheurs de l’université de Floride démontrent que les êtres «flemmards» rechercheraient en fait des manières plus structurées et raisonnées de regarder le monde.

La flemme serait donc tout simplement un facteur de progrès ! Bill Gates est d’ailleurs souvent cité pour sa phrase:

«Je choisis toujours une personne paresseuse pour faire un travail difficile, car une personne paresseuse trouvera un moyen facile de le faire. »


Par ailleurs, la flemme est une position révolutionnaire.

Sandrine, la pourfendeuse des barbecues a repris à son compte «l’éloge de la paresse». Elle ressuscite le pamphlet de Paul Lafargue qui, en 1880, exigeait la journée de travail de 3h afin d’éviter les surproductions souhaitées par les capitalistes. Avec ses 35h, Martine Aubry a joué « petit bras » !

Lafargue s'étonne de «l'étrange folie» qu'est l'amour que la classe ouvrière porte au travail alors qu'il décrit celui-ci comme « la cause de toute dégénérescence intellectuelle, de toute déformation organique ».

Il proclame les Droits de la Paresse, mille et mille fois plus sacrés que les phtisiques Droits de l’Homme concoctés par les avocats de la révolution bourgeoise.

« Paressons en toute chose, hormis en aimant et en buvant, hormis en paressant. ».



Cet éloge de la paresse se retrouve chez de nombreux auteurs et artistes:

- Eugène Marsan et son « éloge de la paresse ».

- Jacques Leclerc et son « éloge de la sainte paresse » : celle-ci est la capacité de « ne rien faire », de s'abstraire des multiples activités quotidiennes, de ne plus être possédé par la volonté d'agir...

- N’oublions pas Sénèque qui suggérait, déjà, l’exil intérieur, le repli sur l’activité méditative, la contemplation, pour trouver le bonheur.

- Quant à Baudelaire, il chante la « féconde paresse » :

« Et mon esprit subtil que le roulis caresse Saura vous retrouver, ô féconde paresse »

- Enfin, Courbet associe « Paresse et luxure » où l’on voit deux femmes nues se reposant, enlacées. Ce qui inquiétera la bourgeoisie de l’époque et entraînera la remarque

suivante :

En même temps que les joies de l’amour libre, beaucoup de communistes prêchent celles de la paresse ; ils proclament le “droit à la paresse” et à la “bombance”. Que deviendra la production sous le régime de vie au jour le jour pour la jouissance du moment, sans souci de l’avenir et des descendants ?



Enfin, la paresse n’est péché capital pour la religion catholique que suite à un malentendu. A l’origine il s’agissait de l’acédie, un abattement de l’esprit, de lassitude de l’âme qui, chez les religieux leur fait négliger la prière et renoncer à chercher la vérité.


Mais, je me suis laissé entraîner de la flemme à la paresse, pourquoi pas la fainéantise ? Certes les définitions des dictionnaires sont similaires, pourtant, j’estime qu’il existe des degrés que je ne franchis pas.

Le fainéant ne veut rien faire. Et dès qu’il le peut, il ne fait donc … rien.

Le paresseux répugne seulement à l’effort. Il fait ce qui doit être fait pour atteindre ses objectifs, uniquement cela et pas plus que cela.

La flemme, me semble-t-il, entretient l’idée d’un état seulement passager. Elle n’est que le symptôme d’une carence « en faire », provisoire, qui pourrait se justifier, aujourd’hui par une volonté de réduire notre empreinte écologique.



Mais, il est déjà 14h. J’arrête là cette chronique indolente, languissante, nonchalante, quelque peu atone. J’aurais dû solliciter le Chat GPT.


Afin de ne pas altérer la sieste qui s’annonce, je ne vous propose pas La flemme, chanson contradictoire avec des paroles inspirantes mais enchâssées dans un clip bien trop frénétique !

En revanche, je vous conseille vivement romain Didier pour qui La flemme est l’avenir de l’homme




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8 Comments


berthejean
Mar 25, 2023

Réjouissez-vous, flemmards de tous les pays ! Aujourd’hui 25 mars est la journée mondiale de la procrastination ! Remettez donc à demain ce qu’un autre fera peut-être à votre place.

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janinemeurin
Mar 20, 2023

Dans ma messagerie, je retrouve des trésors.

POURQUOI AVONS-NOUS LA FLEMME ? Le sujet a fait l'objet d'études par la fondation Jean Jaurès, Jérôme Fourquet, Jean Viard, et La Lettre du 1 qui lui consacre tout un N°.

https://r.mail.le-1.fr/mk/mr/SvgnjfSR_kKS37VoRSwuuwNwFH6tMkEXU9BnRnsURFOCcNL4i6syxXjr0mPyrsGt3m6g1woCeaT1ZJzR2oVndsuZkJnzN2IqUBMiiQ97DGN_YfHDFdzbgZH7Ra1q0Qg


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janinemeurin
Mar 20, 2023

Merci à Jean Berthe d'avoir rappelé cette fable. Jean de la Fontaine avait tout compris ... déjà ! Seul le travail apporte les moyens de subvenir à nos besoins. Et même dans les années 60, à "l'époque des trente glorieuses", rien ne tombait du ciel, pas un chèque énergie, chauffage, ... seul le travail permettait de combler les désirs.

Et pas de 35 h ==> "J'suis un p'tit gars plombier zingueur J'fais des s'mains de quarant'huit heur's" (Chez Gégène)

Autre grosse différence, un exemple = à l'époque, on raccommodait un accroc, on mettait une pièce, on faisait durer ... maintenant, on crée les trous et on jette.

Alors la flemme ? c'était une maladie rare 😉

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berthejean
Mar 17, 2023

Ceux qui me connaissent savent que j’aime bien prendre le contre-pied. Donc, pour ne décevoir personne, j'y vais.


Depuis quelques jours une fable de Jean de La Fontaine me trotte dans la tête. Est-ce à cause de l’actualité ? Est-ce à cause de l’évolution navrante de notre civilisation ? Est-ce grâce à l’article ci-dessus qui m’a réveillé ? Je ne sais pas. Mais elle trotte cette fable!


Mon père (je pense si souvent à lui) m’avait demandé de l’apprendre par cœur. Il me la déclamait souvent. Il me la faisait réciter. Il me demandait de la commenter.


Travaillez, prenez de la peine : C’est le fonds qui manque le moins.

Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine, Fit venir…


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pierre.moise78
Mar 15, 2023

La flemme, ça s'organise. En 1968, Alexandre Gartempe savait s'organiser et c'est toujours avec une grande tendresse que je pense à lui. Dans son lit toute la journée avec tout ce dont il avait besoin savamment suspendu à une corde. Hermétique à tout effort inutile et à toute contrainte. Et il en avait fait des émules ! La révolution avant celle du mois de mai ! Revoyez Alexandre le Bienheureux, un symbole de la "vraie" flemme.

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