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  • Photo du rédacteurLes instants du temps

Petits bonheurs désenchantés



Sérénité et quiétude peuvent brusquement devenir cataclysme et calamité. Il est des moments délicieux qui peuvent se transformer, en un instant, en tourments amers.


Tout le monde s’est reconnu, peu ou prou, dans « La sieste assassinée ». J’avais vécu cette mésaventure avant de la revivre en découvrant ce récit de Philippe Delerm.

Juste après le repas, abandonné dans un hamac, boisson rafraîchissante à portée de main, livre choisi, je m’apprêtais à sombrer. Douce chaleur, grand calme, Morphée me taquinait.

Bruit de voiture qui ralentit et… mais oui, s’arrête. Chez les voisins? Portières qui claquent. Morphée s’éloigne. Je guette la suite et m’inquiète. On sonne. Peut-être une erreur. Tous mes sens sont maintenant en éveil, l’irrémédiable peut survenir dans quelques secondes. La voix de mon épouse: « bonjour, quel plaisir de vous voir tous les quatre ».


Pestant intérieurement, je m’entends hypocritement répondre à une interpellation qui se croyait chaleureuse : «Non, non, vous ne dérangez absolument pas».


Vous aussi, vous avez connu cette situation.


D’autres petits bonheurs sont régulièrement agressés sans que les autorités ne s’émeuvent.

Cet été, des intrusions maléfiques ont eu lieu dans la plupart des « salons de jardin ». Je vous reconstitue ma propre scène de l’agression.


Le décor : ciel bleu, température idéale, table à l’ombre de la tonnelle, fleurs qui embaument, un petit paradis de calme. Promesse d’un déjeuner paisible.

Il était environ 12h30. L’assiette de couscous titillait mes glandes salivaires, flattait mon estomac et je prenais mon temps. Je laissais monter le désir, je dégustais par avance tout en bridant mon impatience grandissante avec un rosé qui s’accommodait bien.

Allez, je plonge, je goûte la semoule aromatisée par le bouillon de circonstance.

« Hum ! Excellent » (vous savez, ce type de phrase que lancent régulièrement les grands chefs dans les émissions culinaires quand ils goûtent, avec un air pénétré et une mimique de satisfaction, la préparation qu’ils viennent de mitonner. Je n’en ai pas vu un seul recracher, ou, alors, c’est hors caméra).


12h35 : bzzz…bzzz

De quoi s’agit-il ? Un moustique ? Une abeille ? Non, une guêpe, la guêpe de l’été ; la France a été envahie par les guêpes.

Elle virevolte au-dessus de la table puis s’approche hardiment de mon assiette.


Révélation, la guêpe aime le couscous.



« Dégage ». Quelques moulinets pour l’effrayer. Peu d’effet. C’est une tenace. On se croirait dans Top Gun. Elle évite mes gestes par un looping, un virage de dégagement, un tonneau barriqué, un cabré suivi par une demi-boucle pour se retrouver en vol inversé, et… elle vient se poser à nouveau.


Se poser sur le bord de mon verre de rosé. Pas folle la guêpe. Elle a compris que la zone était démilitarisée, que mes actions belliqueuses auraient pour conséquences des dégâts collatéraux épouvantables. J’ai même l’impression qu’elle goûte mon nectar. C’en est trop, j’accentue ma force de dissuasion en m’emparant de ma serviette de table. Je l’agite violemment, vent force 8, les arbustes environnants plient sous l’ouragan et…la guêpe daigne prendre du recul avec une désarmante insouciance. C’est gagné.


12h40.Bzzz. Bzzz… Elle revient, plus déterminée encore … ou c’est sa sœur, ou il y a tout un escadron en embuscade. Elle rase la table, erreur de trajectoire, j’étais resté vigilant et ma serviette claque bruyamment sur l’endroit supposé du vol insolent du satané hyménoptère. Je soulève la serviette avec précautions, espérant découvrir, non pas une victime, mais une assaillante qui l’a bien cherché. Rien. Je me demande si je l’ai écrabouillée à ce point, quand …Bzzz…bzzz.


Dans un mouvement irréfléchi, un geste réflexe, elle est là, je le sens… je claque la main pour un nouvel impact. Aveuglé par ma hargne, j’ai raté la cible, tapé sur le bord de l’assiette, tout le contenu a éclaboussé mon épouse, a ébouillanté ses mains et elle se précipite chercher la Biafine…..


12h45. Il faut panser les plaies, accepter la défaite provisoire et ranger le champ de bataille. Après une concertation stratégique, nous décidons en dépit de l’opprobre international, d’utiliser les armes chimiques.

Chacun a sa méthode préférentielle, nous, c’est le café, pas le marc de café peu efficace, mais le café moulu bio que l’on enflamme. Une coupelle fumante de chaque côté de nos assiettes et le tour est joué. Plus de guêpes.


J’ai cru avoir la situation bien en main. J’avais naïvement oublié qu’il fallait craindre la ruse, la rouerie, voire la fourberie de ces êtres à taille fine.


Pourquoi a-t-on surnommé Laura Flessel, notre épéiste médaillée olympique, la « guêpe » ? Parce qu’elle ne touchait pas ses adversaires au thorax, aux bras, mais au pied, ou à l'aisselle, là où on ne l’attendait pas. La ruse, vous dis-je.





Pourquoi la guêpière a-t-elle entraîné tant d’hommes dans un vrai guêpier ? La rouerie vous dis-je.





Si dans les années 60, les séducteurs italiens emballaient leurs compagnes ce n’est pas par leur charme, mais c’est bien par la ruse des ballades en Vespa qui, rappelons-le, signifie "guêpe" en italien.






Je n’avais pas bu 2 lampées de rosé, après avoir vérifié qu’il n’y avait pas de noyées dans mon breuvage, qu’une guêpe kamikaze avait déjoué notre système de défense, ignoré les fumerolles et attaqué de façon fourbe et déloyale par derrière. Elle venait de me piquer dans le cou. Déséquilibrée par mon sursaut ou mon cri de désespoir, elle chutait sous le t-shirt, tout en repiquant à tort et à travers…un épique corps à corps où tout le monde fut perdant.


Ayant appris que les protéines du venin de guêpe étaient thermolabiles, c'est-à-dire qu'elles sont détruites à des températures comprises entre 50 et 55 °C, mon épouse a approché une flamme des différents œdèmes. Mal remise de son ébouillantement, elle a, ou mal estimé la température, ou les distances, si bien que la douleur de brulure a remplacé celle de la piqûre.


C’est avec un dos blanchi par la Biafine que j’ai fini avec un sandwich beurre/jambon, à l’abri de la véranda, toutes portes et fenêtres fermées.


Les exemples de ces petits bonheurs espérés et contrariés ne manquent pas.


Je pourrais évoquer l’espoir d’un voyage, pourtant bien démarré, en TGV.

Place réservée, choisie, confortablement installé, au calme, lecture, endormissement entretenu par le chuintement ferroviaire, tout va bien.

Arrêt dans une gare intermédiaire, montée d’une famille qui s’installe dans le carré, de l’autre côté de l’allée ; enfants qui comparent, avec enthousiasme, leurs performances, jeux vidéos accompagnés de sons stridents, parents qui téléphonent puis saucissonnent, chiffonnent les emballages, croquent goulument les chips …etc


La SNCF a créé les wagons ZEN ; ouf !


Ou encore, la zénitude d’une lecture apaisante dans un transat à la plage ou au bord de la piscine quand surviennent 2 voisines (désolé, il s’agit souvent du sexe féminin). A gorge déployée, elles se racontent leurs vies qui, pour intéressantes qu’elles soient, ne me concernent pas du tout. Un jour, afin de marquer mon désappointement, je me suis, de façon exagérément discourtoise, immiscé dans leur conversation à voix trop haute, espérant un effet dissuasif qui les conduirait à baisser le ton. Mal m’en a pris, elles m’ont intégré à leur causerie sans sourciller. Je n’ai dû mon salut qu’en battant en retraite sous un fallacieux prétexte.


Un dernier exemple. Installé au calme dans un endroit choisi pour ses sièges confortables, lente dégustation d’un café sélectionné. Arrive un malotru qui déploie et froisse son journal, puis tourne à l’infini sa cuillère, pour mélanger un sucre fondu depuis longtemps. S’il continue, il va attaquer le fond de sa tasse.

En relatant ces quelques petits désagréments, je me rends compte, qu’en fait, je n’en retiens plus que l’humour des situations. En ces temps maussades, il vaut mieux choyer, câliner, cajoler, bichonner nos petits bonheurs de la vie .

Selon un proverbe chinois (ils ne font pas que nous envoyer des virus) « le bonheur est un rayon de soleil que la moindre ombre vient intercepter ; l’adversité est quelquefois la pluie du printemps ».

Le rayon de soleil et l’ombre sont indissociables. En écrivant ces lignes, en ces temps où l’ombre prévaut, je me suis fait mon rayon de soleil, un petit bonheur que, j’espère, vous partagerez.


Un autre petit bonheur avec Félix Leclerc



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(voir ci-dessous).


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2 Kommentare


docdico
21. März 2023

Que tout cela sonne vrai ! L’auteur est-il blond ? J’en doute. Est-il grand ? Pas trop je crois. Portait-il une chaussure moire le jour de l’attaque hyménoptère ? Ce pourrait être une raison pour ce manque de chance. Les guêpes ont horreur des chaussures noires ! Je n’ai pas vérifié cette affirmation pseudo-scientifique, mais je ne fais ici pas pire que tous les experts qui nous affirment vérités et contre-vérités en ces temps difficiles.


Mais je voudrais ici rassurer l’auteur. Je connais des Gaston La Gaffe qui n’ont besoin de personne pour gâcher le moment présent, pour s’automutiler, pour se ridiculiser, pour emmerder les amis qui doivent l’aider ou le secourir.


J’ai connu un de ces Gaston qui a…


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marymailto
21. März 2023
Antwort an

Merci GASTON, pour la liste de ces mésaventures dont on se souvient. Avec le recul, on en sourit. C'est vrai que devant un tel talent, on s'incline ! Respect Gaston !

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