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  • Photo du rédacteurLes instants du temps

La proxémie, kézaco ?



Ecartez-vous d’un mètre au moins, deux ce serait mieux.

Il est question de distanciation sociale, l’un des plus importants gestes barrières.

Du point de vue linguistique, peut-on parler de « distanciation sociale » ?

- L’expression m’a, tout d’abord, fait penser à l’espace conflictuel entre le MEDEF et

la CGT ? Y-aurait-il une embrouille supplémentaire suite au rapport de l’institut Montaigne ?

- Autre confusion : cette expression est, phonétiquement, proche de « distinction sociale », expression plus habituelle dans la France pyramidale. Elle m’a donc rappelé l’écart entre les « premiers de cordées » et les « premiers de corvées ». La distanciation horizontale faisant ainsi place à une distinction verticale.

- J’ai enfin imaginé qu’il pouvait s’agir d’un recul, d’une méfiance, d’une prudente distance à l’égard des réseaux sociaux compte tenu des innombrables relents putrides qui s’en dégagent, même si la solidarité y est également présente.

Tout faux. Il s’agit de « PROXEMIE».

Comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, j’ai constaté que je pratiquais la proxémie naturellement.

La proxémie selon l’anthropologue américain Edward Hall est « l’étude de la distance physique qui s’établit entre des personnes prises dans une interaction, un échange de communication ». La proxémie intègre des manifestations liées à la notion de corps, de l’espace, de la sensation. Selon Edward Hall, il existerait 4 distances sociales lors de l'interaction entre personnes :

- distance intime : moins de 40 cm

- distance personnelle : de 45 cm à 125 cm

- distance sociale : de 120 cm à 360 cm

- distance publique : au-delà de 360 cm

Il s’agit bien évidemment de distances moyennes qui, selon les circonstances, comportent des marges d’incertitude plus ou moins importantes.

- L’alimentation à base d’ail peut entraîner une interaction

de type japonais, (contacts physiques plus rares et distances plus importantes) fréquemment accompagnée d’un mouvement de main, de brassage d’air, à hauteur du visage.

- Certains n’hésitent pas à confondre distance intime et sociale.

Qui n’a pas connu l’interlocuteur qui vous tape l’épaule, vous touche le bras ; vous reculez, il se rapproche, ce qui entraîne un pas de tango imprévu ; vous progressez, vous tournez. L’expression relative à cette attitude s’appelle bizarrement « tenir la jambe ».

- En relation plus empressée que courtoise, l’expression « gardez vos distances jeune homme » renvoie bien de la sphère intime à la sphère publique.

La thèse de la proxémie ne tient pas compte d’une variante susceptible de minimiser l’intérêt des distances intime et personnelle. Je veux évoquer la distance olfactive. Ce paramètre supplémentaire s’épanouit en fin de semaine dans les bureaux surchauffés ou les transports en commun. À vue de nez, on constate également que certains vouent une confiance excessive aux déodorants actifs pendant 48H.

L’épidémie de Covid 19 et les gestes barrières viennent d’anéantir définitivement la théorie de Edwrd Hall. Fin des distances intimes ou personnelles.

Il faut, désormais, en toutes choses de la distance. Distance essentiellement physique.

Tous ensemble, mais à 1 mètre, mieux, 2 mètres.

Pas facile. L’homme est un animal social, plutôt grégaire, plutôt prompt à s’agglutiner.

De nombreux repères physiques destinés à nous encadrer (à nous infantiliser prétendent certains) ont fleuri ces derniers temps. Des vides ont été créés autour de nous dans les espaces publics et professionnels nous obligeant à participer à une nouvelle chorégraphie collective.


- La signalétique de type «behind the line» ou « gardez vos distances » vue sur le bitume autoroutier, a été étendue partout.

Parcours balisé, le hors-piste est interdit. Entrée d’un côté, sortie de l’autre, sans demi-tour (kilomètre supplémentaire en cas d’oubli) en suivant précautionneusement le marquage au sol. Fin du shopping-balade.


- Cercles, carrés, empreintes de pieds, souvent en quinconce, peints sur le sol, incitant ainsi à jouer à la marelle.

- Sur les trottoirs, traits au sol se mélangeant avec les repères prévoyant des travaux de EDF, du gaz ou de la fibre optique; laissent une impression de chasse au trésor ou de course d’orientation. Street-art minimaliste.




Des méthodes alternatives pour s’assurer du mètre salvateur ont vu le jour : chapeaux des écoliers chinois, capelines de Longchamp ou Chantilly pour dames.






Il est annoncé le retour de la Mantua, robe très en vogue vers 1750.

Avec le développement des paniers, héritiers des vertugadins, la Mantua pouvait mesurer plusieurs mètres de large. Distanciation confortable.



La technologie peut également, pallier notre insouciance ou absence de concentration :


- Robots d’intervention en cas de proximité irrégulière.

- robots de compagnie, robots-nounous, éduqués aux gestes barrières (solution hydroacoolique toutes les 30 minutes, proposition de masques toutes les 4 heures, calcul des distances …).

- Dispositif vibratoire inspiré du Système utilisé par certains non voyants pour évitement d’obstacles, étendu à toute la population.

Une question importante soulevée par cette distanciation physique concerne l’évolution de la relation amoureuse. Cela a donné lieu à un échange intéressant dans l’émission « la petite bibliothèque » à laquelle participait Mme Avissurtou, socio-anthropologue, maître de conférences à l’Institut des Hautes Etudes et chercheuse à plein temps au Centre International des Chercheurs du Betchouanaland.

Celle-ci, dans son dernier livre « un amour déconfit » estime :

« Que deux issues se dessinent, potentiellement contradictoires.

L’une est soutenue par la technologie et l’intelligence sexuelle. Elle consiste à croiser les données entre les applis de type stopcovid, qui vont déceler les anticorps, avec des sites classiques de rencontre autorisant ainsi, en sécurité, les ébats du monde d’avant. La fusion des corps sauvée par les anticorps !


L’autre issue est plus romantique. Cette distanciation sociale imposée pourrait permettre la réhabilitation d’une temporalité amoureuse plus lente, plus différée et d’une séduction qui exige forme et effort. On peut imaginer le Retour de la galanterie, de l’amour courtois, de la carte du tendre et pourquoi pas des Précieuses avant qu’elles ne devinrent ridicules. »

En conclusion, il est certain que la distanciation sociale perdurera de toute façon pendant plusieurs mois, (jusqu’en 2022 annoncent certains chercheurs en raison de l’absence de vaccin et le possible retour saisonnier du Covid-19) et qu’elle va réinventer quelque peu nos rapports sociaux.

La communication virtuelle puis cette distanciation obligée vont gommer des années de pratiques culturelles inconscientes.

Un aperçu du monde d’après ?

S’agissant de Barrière je vous propose Alain qui nous évoque un départ, la distance, le vide.




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3 Comments


marymailto
May 20, 2020

Fini le temps où l'on enseignait la proxémie aux commerciaux. Maintenant tout se vend par le net... Oui mais la proxémie, c'est aussi la courtoisie ! courtoisie ?

il subsiste quelques réunions où il est de bon ton de s'embrasser, au minimum de se serrer la main. J'ai toujours été surprise de constater que, parmi les plus empressés à manifester leur civilité, certains avaient les mains moites ; parfois à un point que c'est moi qui évitais la poignée de mains suivante, de peur que l'on croit que c'est moi qui avais ce problème! Dans ces moments là, je pensais à la reine d'Angleterre qui porte toujours des gants.

Désormais, je pourrai adopter son petit salut ... sans les gants…


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berthejean
May 18, 2020

Il y a peu, j’ai dû aller faire quelques courses. C’était sans grand plaisir, mais il faut bien réapprovisionner et reconstituer les quelques stocks que nous entretenons. Je suis allé dans une « moyenne surface ».

La quasi-totalité des clients était correctement proxémiée, distanciée, masquée, gelhydroalcooliquisée. Il y avait, comme dans le monde d’avant, quelques rares femmes voilées portant nikab. Dans ce fameux monde d’avant elles avaient le regard triste et fuyant, ce regard qu’on n’arrive pas à croiser.

Dans le nouveau monde j’ai trouvé qu’elles avaient le regard brillant et amusé. Certaines soutenaient le regard ! Elles semblaient dire : « Ah tiens, toi aussi tu portes un masque ? ». Je les saluais, elles répondaient au salut. …

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berthejean
May 18, 2020

Il faudrait demander à Mme Avissurtou si les anticors (aux pieds) peuvent aussi autoriser cette fusion tant souhaitée. Si oui, fonce à la pharmacie.

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