top of page
Rechercher
  • Photo du rédacteurLes instants du temps

La complainte du Bisou


Le 11, fin du confinement, retour en entreprise.

Mais, le rituel social d’appartenance au groupe, à l’équipe, constitué, en partie par la bise n’aura pas lieu. La bise est suspendue peut-être pour longtemps ; peut-être pour toujours ?

Est-ce grave, docteur ? Avons-nous besoin de ces rituels de salutations ?

Oui, depuis toujours, et partout, le groupe social a eu besoin de ces rituels, même s’ils sont différents selon les cultures et que, dans le monde occidental, prédominent poignées de main et bises.

Jusqu’à fin janvier, la bise était devenue un geste classique de salutations, une valeur fondamentale de la civilisation française.

Il existait le bécot, le bec au Canada, et de très nombreuses manières de faire la bise : des baisers volants aux bisous-ventouses, en passant par les baisers sans contact et les bises sur le front...

La bise fut même considérée comme un art nécessitant une pratique de plus en plus sophistiquée.

La bise à plusieurs temps

La majorité de l’Hexagone opte pour deux bises : simples, rapides et efficaces mais de nombreux départements ont opté pour la technique à 3 ou 4 bises. Ce qui engendre souvent de nombreux quiproquos : une joue qui se tend inutilement, un rattrapage maladroit trahissant sa méconnaissance des coutumes locales, la question « combien » souvent posée avec un sourire embarrassé.

Dans les stages de développement personnel était prévu un passage obligatoire par le site https://www.combiendebises.com/

On y trouve une carte interactive qui nous aide à y voir plus clair et à bisouter à bon escient (autrement plus voluptueux que la carte en vert et rouge instituant, entre autres, la pénurie du bisou).

La complexité devenant trop importante, une association du Finistère a lancé une croisade pour la bise unique sans toutefois apporter une réponse à un autre dilemme « joue droite ou gauche » ?

La question est pourtant tout aussi importante, la manœuvre, notamment en cas de bises multiples peut donner lieu à tous les télescopages possibles … quelquefois prémédités !!

A cet égard, certains licencieux profitaient de cette situation qui pouvait procurer une intimité plus ou moins ambigüe et une évaluation de leur sex-appeal. En effet, de la bise affectueuse au baiser (le lover’s kiss) il n’y a que quelques centimètres jusqu’à la commissure des lèvres. Et si ce dérapage peut ouvrir des horizons aguichants, il ne faut pas oublier que quelquefois le baiser peut avoir des conséquences aussi inattendues que néfastes:

- Le baiser de trahison : “Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’homme ?”


( Détail Baiser de Judas par Giotto).




- Le baiser qui tue. Il existe, en effet une pathologie méconnue et potentiellement redoutable, le syndrome des allergies induites par le baiser. Il a été décelé plusieurs cas de chocs anaphylactiques suite à l’ingestion de cacahuètes (autres exemples avérés, crevettes, homard, …). Et il est assez délicat de déclarer sa flamme par une interrogation préalable sur le contenu du dernier repas.

Est-ce pour cette raison que Rodin trouva judicieux d’inclure Le Baiser dans son œuvre magistrale La Porte de l'Enfer ?


La bise (ou baiser) fait partie de ces rituels de salutation que l'être humain a toujours utilisés depuis les débuts de l'Histoire. Même si, selon la culture ou la conjoncture, les rites ont pu changer.


- Rome : osculum pour le baiser solennel, saevium pour l’acte suave et délicieux et baesium, qui tient un peu des deux (et dont le nom a donné notre “baiser” moderne). Différents mots pour ne pas oublier que le plaisir des Romains ne se trouvait pas dans la sexualité, au sens actuel, mais dans le baiser sur la peau, et surtout le baiser autour de la bouche.

- Chez les Perses, le baiser de salutation ne se pratiquait sur la bouche qu’entre personnes de rang égal. Réactualisé par les Etats communistes et socialistes (voir le Baiser fraternel socialiste entre Brejnev et Honecker. Très chaud).

- Au Moyen-Âge, le baiser demeure utilisé dans les salutations ;

il se pratique sur la bouche dans un cadre religieux (baiser de paix) ou vassalique.

- A partir de la Renaissance, le baiser devient un geste de tendresse qui touche mais qui n’engage plus.

Revenons à notre propos initial. Parole aux sociologues : “le rituel de salutation, dont la bise, est une reconnaissance identitaire, une façon de dire à quelqu’un qu’il n’est pas un inconnu, qu’il fait partie de notre sphère de connaissance. C’est une reconnaissance dont on a besoin pour se sentir exister aux yeux des autres”.

Nous voilà donc forts dépourvus lorsque la bise n'est plus bienvenue.

"Ne pas faire la bise, ne pas se toucher…

va-t-on quand même faire partie du même groupe ?

Pas d’inquiétude. Les mœurs et les codes sociaux évoluent.

Il n'y a pas si longtemps, vingt ou trente ans, la bise entre hommes était réservée à une sphère intime, au sein de la famille, et pas avec ses collègues ou amis.

Par ailleurs, au début de la crise, nous nous sommes touchés le coude, le pied…(palliatif, néanmoins, à courte destinée car le caractère intimiste est moins probant que la joue et terminer un mail par « coup de coude ou de pied » reste moins amical que « bise, bizz ou bisou»).

Deux autres possibilités :

- Adapter le cérémonial du baise-main.


- S’inspirer du baiser des Amants peint par Magritte ; œuvre qui suscite de nombreuses interprétations dont une récente témoignant de l’époque dite « des gestes barrières ».

On peut également s’intéresser et copier l’un des usages existant dans d’autres cultures :

- En Inde, le namasté ("je m'incline devant toi" en sanskrit) se fait les deux mains jointes au niveau de la poitrine.

- En Thaïlande, le wai se fait autant pour saluer que pour remercier. Plus les mains sont hautes, plus le respect témoigné est grand.

- Au Japon, c'est "l'ojigi", une courbette qui varie selon le statut de l’interlocuteur. L’adaptation devrait être possible en occident car nous sommes déjà accoutumés à courber l’échine.


Pour ma part, je préconise le salut traditionnel du Tibet qui se fait en tirant la langue, une manière de montrer qu'on n'est pas une réincarnation d'un roi maudit du IXe siècle, qui avait la langue noire selon la légende.

La période étant propice aux expérimentations, il serait opportun de tenter ce nouveau rituel de salutation dans le monde d’après, et dès le 11 mai en rencontrant votre patron. Il paraît que ça fait un bien fou…mais, possiblement, éphémère.


On ne pouvait conclure qu’avec Carlos :



Inscrivez simplement votre adresse mail, vous serez informé du prochain post.

NB = aucune adresse n’est transférée à autrui, même pas gratuitement !

Merci d'enrichir ce billet avec vos commentaires.

(voir ci-dessous).


111 vues5 commentaires

Posts récents

Voir tout

5 Comments


Les instants du temps
Les instants du temps
May 19, 2020


Like

berthejean
May 11, 2020

Tirer la langue pour saluer quelqu'un? Je veux bien, mais le salut risque d'être très discret quand on porte un masque!


Namasté ou ojigi, peu importe. Je comprends ces gestes comme des marques de respect.

Mais je ne veux surtout pas que s'instaurent des gestes tels le salut militaire, la main tendue et levée, le poing levé, ou autre salut extrémiste. Ce ne sont pas des gestes de paix.


Ou alors, on invente le chewing-gum à l'hydrochloroquine, et on pourra se faire la bise comme on veut. Non?


Like

berthejean
May 10, 2020

Il ne s'agit plus ici de la simple bise. Les plus jolis mots que j'ai lus sur le baiser, le vrai, sont ceux d'Edmond Rostand:


Un baiser, mais à tout prendre, qu’est-ce ?

Un serment fait d’un peu plus près, une promesse

Plus précise, un aveu qui veut se confirmer,

Un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer ;

C’est un secret qui prend la bouche pour oreille,

Un instant d’infini qui fait un bruit d’abeille,

Une communion ayant un goût de fleur,

Une façon d’un peu se respirer le cœur,

Et d’un peu se goûter, au bord des lèvres, l’âme !


Edmond Rostand - Cyrano de Bergerac -


Like

berthejean
May 10, 2020

Avec un tout petit peu d'avance sur la date de déconfinement, et un tout petit peu de retard sur la date réelle, nous venons de célébrer l'anniversaire de notre fille... sans lui faire la bise. Un bon petit repas, nous étions espacés à l'extérieur sur une grande table. Bons moments, mais quand même... La bise nous a manqué.

Like

Unknown member
May 10, 2020

Alain Souchon chantait le baiser ; Heureux temps d’insouciance !

Je chante un baiser Je chante un baiser osé Sur mes lèvres déposé Par une inconnue que j'ai croisée Je chante un baiser

C’est Pierre Perret qui parle le mieux du baiser ! https://www.paroles.net/pierre-perret/paroles-les-baisers

Que deviendra la journée Internationale du Baiser (le 06 Juillet en 2019) ?

Like
Post: Blog2_Post
bottom of page