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Photo du rédacteurLes instants du temps

L'orchestre fou




Mon ami Jean Berthe m’a transmis ce billet dont il est l’auteur et je ne résiste pas au plaisir de vous en faire profiter. Toute ressemblance avec des situations actuelles ne serait pas pure coïncidence !

 

Plantu pour son dessin et P. Perret pour sa chanson sont à l’unisson de cette fable de circonstance.

 

 

C’est un orchestre bien particulier. Les musiciens sont choisis, élus en fait,  par les spectateurs. La musique jouée saura donc satisfaire le plus grand nombre. C’est l’évidence. En choisissant les musiciens, on choisit un programme. Si les spectateurs préfèrent la musique de chambre, une musique douce et équilibrée, ils choisiront plus de violons que de trompettes. Placés au centre de l’espace occupé par l’orchestre,  les violons peuvent, en même temps, jouer allegretto et pianissimo. Ceci n’est pas toujours compréhensible au spectateur, mais le chef d’orchestre prétend qu’un peu d’éducation aidera les spectateurs à comprendre. Allegretto sur la corde de sol, pianissimo sur la corde de mi. Et on y va, les sol et les mi sont amendés par les tubas et deviennent des couacs.

Pierre Perret aurait chanté :

Nous avons rendez-vous

Avec l’orchestre fou

Ce sont de malicieux triangles

Des pyramides et des rectangles

Ils seront les acteurs magiques

De ces fables géométriques

Ou le corbeau est un cube noir

Et le renard un entonnoir.


Dans cet orchestre, qui se veut démocratique et symphonique, tous les musiciens ne jouent pas la même partition. Des esprits chagrins le surnomment l’orchestre cacophonique.

Côté cour, les cuivres se prétendent les seuls instruments historiques. Trompettes et tubas  entonnent la Marseillaise quand le chef d’orchestre veut lancer le dernier mouvement de la 9ème symphonie de Beethoven. Rouget de Lisle contre l’hymne Européen. Pom pom pom côté cour, la la la sur les violons.

Les spectateurs sifflent, on ne sait trop quoi. Ils veulent de la musique de chambre. Mais on y est justement à la chambre, non ? Pom pom pom côté cour, mais côté jardin on entend des boum boum boum. Les percussions s’énervent. Les cymbales brandissent un drapeau et rythment un air oriental.

Dans l’assistance la gronde gagne. Certains contestent les musiques importées. Des compositeurs étrangers se permettent d’écrire en la mineur alors que chez nous les lois n’autorisent que le do majeur. Un vrai scandale. Les violons temporisent et jouent la chenille qui redémarre. Dans la salle, côté cour aussi bien que côté jardin des spectateurs entonnent La marche des éclopés en souvenir de la retraite de Russie.

 

Certains vêtus d’étranges vestes jaunes bloquent les toilettes et le bar.

 

Les violons se désaccordent. C’est parait-il à cause du réchauffement climatique. Mais le réchauffement climatique est parait-il dû aux ukulélés qu’il faut importer de fort loin.

 

 

Nous avons rendez-vous

Avec l’orchestre fou

Il souffle il tape il pétarade

Endimanché pour la parade

Il joue pour toute la stratosphère

La phonométrie l’indiffère

Il joue pour filer dans la joie

Des jours en or des nuits de soie


Le chaos est total. Mais le chef d’orchestre a une idée. C’est lui qui choisit le premier violon. Il change donc le premier violon, persuadé que cela va calmer les spectateurs qui manifestent de plus en plus bruyamment.

 

Un farceur a chapardé le Stradivarius du nouveau premier violon et l’a remplacé par un ukulélé en plastique. Le premier violon est contraint de changer de partition. Les autres violons, enfin ceux qui ont conservé leur instrument comprendront bien. Ils joueront de l’ukulélé sur leur violon. Le contraire est impossible. Le premier violon a bien contesté un peu, mais le second violon lui a fait un archet d’honneur.

Le triangle essaie de capter l’attention mais n’y parvient pas. Ding ding ding, …. Les hautbois censurent les piccolos. Les flûtes traversières hésitent, trémolottent.

Vexé le tout nouveau premier violon jette le ukulélé  à la figure de la jeune harpiste qui n’en peut rien et sort un alto tout neuf de 49,3 centimètres. Et seul dans le bruit ambiant il se met à jouer la symphonie inachevée.

 

Mais la salle se vide. Un orchestre concurrent, international, bien connu pour son interprétation de la 9ème symphonie renouvelle ses musiciens. Une moitié des spectateurs va au café ou retourne se coucher (comme le dimanche pendant la messe),  alors que l’autre moitié traine les pieds pour aller sélectionner les nouveaux musiciens.

 

Nous avons rendez-vous

Avec l’orchestre fou

Si vous suivez les trajectoires

Vous pigerez toute l’histoire

De ces figures géométriques

Naissent des personnages lunatiques

Et parfois ces drôles d’animaux

Nous ressemblent comme deux gouttes d’eau


Le chef d’orchestre est catastrophé. Pour constituer cet orchestre concurrent, ses propres spectateurs ont privilégié les cuivres et les percussions. Bien peu de violons ont été choisis. Comment est-ce possible ?  Pour punir les spectateurs il vire les musiciens. Non mais !

 

Et alors, magie de l’orchestre symphonique, démocratique et cacophonique, le spectacle n’est plus dans la salle de concert. Il est partout. Des enquêtes montrent que le futur orchestre sera essentiellement constitué de cuivres et de percussions. Certains se réjouissent. D’autres s’inquiètent.

La folie gagne le pays. La cacophonie qui était limitée à la salle ce concert se propage. Un ancien chef d’orchestre postule pour redevenir musicien, avec des claquettes comme instrument de percussion. Il veut essayer de couvrir le bruit fait par la grosse caisse. Un tambour sortant postule puis retire sa candidature car il avait confondu sa femme avec un tambour. Retour à la maison, sans femme ni tambour. Les tambourins, peints en vert pour la circonstance s’allient avec les castagnettes et les triangles.

Mais côté cour, les postulants ne peuvent pas rester sans réagir. Le piccolo renie ses origines et veut à tout prix jouer les rossignols, perché sur le trombone à coulisse.

 

La pagaille est complète. Nul ne sait quelle sera notre musique demain, sinon que le futur orchestre pourrait être encore plus fou  que l’ancien.

Nous avons rendez-vous

Avec l’orchestre fou

Un p’tit parallélépipède

Peut devenir un gros bipède

Nous tirerons un humanisme

Des carrés des cônes et des prismes

Suivons ces fabulettes en somme

Qui nous montrent tels que nous sommes

 

Pierre Perret a bien raison. Mais comprenons bien une chose, notre futur orchestre nous montrera tels que nous sommes…

 

Jean BERTHE.

J'ai déliré je sais, mais je pense ne pas être plus fou que cet orchestre cacophonique.





 

Pierre Perret chante l’orchestre fou.



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(voir ci-dessous).

 

 

 

32 vues2 commentaires

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2 Comments


janinemeurin
Jun 27

Félicitations à Jean Berthe d'avoir déniché cette chanson de Pierre Perret qui date de ...1995 alors qu'elle semble écrite sur mesure pour illustrer la situation actuelle;

Que s'est-il passé en 1995 pour inspirer PP ? Des mouvements sociaux ; la pagaille ! "Les grèves de 1995 en France  contre le plan Juppé de 1995 furent à leur époque les plus importantes depuis celles de Mai 68." https://fr.wikipedia.org/wiki/Gr%C3%A8ves_de_1995_en_France

Qui s'en souvient pourtant ? Alain Juppé, sans doute ! L'objet majeur = les retraites déjà.

Cette fois, les manifestants se limiteront ils à la grève ?

NB = c'est sans doute sa passion pour Jean De La Fontaine qui a conduit JB à cette "fable" façon PP. Bravo. Il aurait été dommage de ne…

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berthejean
Jun 24

Merci au Maître des Instants du Temps! C'est un privilège et un honneur que de devenir l'un de ces Instants.


Bonne lecture à tous. Toutes les analyses musicales sont les bienvenues. Un brin de folie ne peut que nous faire du bien.

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