Esprit de NOËL es-tu là ?

Agressés depuis 2 Noël par le coronavirus et ses variants, la question est légitime.

Esprit de Noël es-tu là? On pourrait, effectivement, en douter. La période de Noël devrait être ce moment magique d’espoir, de fraternité, d’ouverture, de partage.

Or, que voyons-nous ?

Outre ce virus qui nous submerge de vagues en vagues angoissantes, le monde, en cette fin d’année, exsude une certaine laideur :

- La haine, exacerbée par les débats pré-électoraux, s’exprime abondamment sur les réseaux asociaux.

- Elle contamine les soi-disant supporters de foot et on en vient à regretter les matches à huis clos.

- La tricherie est partout. Les aventuriers de Koh-Lanta se restaurent à l’hôtel, piquent des vivres dans les tentes des techniciens de l’émission, menacent de faire grève faute de viennoiseries. Lors d’un concours de beauté en Arabie saoudite, quarante-trois chameaux ont été disqualifiés. Ces camélidés avaient subi des injections… de Botox.

Esprit de Noël es-tu là ? …Pas sûr, quand la perplexité nous assaille au vu de quelques informations récentes aussi singulières qu’embarrassantes.

- Fallait-il, le 17 décembre, participer à la journée mondiale du pull moche de Noël ?. « Pourquoi ne pas penser à un concours de pull moche ? » clame le marketing textile…sans doute avec un jean troué pour faire bonne mesure ! Il paraît, qu’en entreprises, ce concours renforcerait la cohésion de groupe et serait un moyen de motiver les salariés pendant la fin d’année.

- Innovation pâtissière de cette période : certaines gaufres sont en forme de « quéquettes » et de « foufounes », recouvertes de coulis ou de chocolat !

- « Le bel au bois dormant » pourrait devenir le nouveau livre de chevet de toute la famille, et, Marie Darrieussecq s’extasie « Commençons par donner aux garçons la chance d’être féminins, et aux filles la chance d’être masculines. Laissons-leur cette liberté de trouver leur place malgré les injonctions de la langue. Transformons le monde. Proposons-leur de nouveaux récits.»

- Et le malaise s’aggrave encore quand la pénurie ne touche pas seulement les semi-conducteurs, mais aussi, les Père Noël. Il semblerait que l’on doive recourir aux Mères Noël.

Esprit de Noël es-tu, vraiment, là ?

Oui, en dépit de ces manifestations déconcertantes et le désarroi qu’elles peuvent entraîner.

Oui, l’esprit de Noël est toujours là et je l’ai rencontré.

Je revenais d’une visite au château de Versailles. Plus exactement je m’étais promené dans le parc du château. J’avais traversé la terrasse sud avec une caresse familière aux sphinx chevauchés par des amours. J’avais marqué un long arrêt en haut des marches qui surplombent le bassin de Latone ; arrêt obligatoire en raison de la vue que cet endroit propose, ainsi que du spectacle toujours amusant des touristes qui ne peuvent rater la photo de la grande perspective puis, après une volte-face, celle de la galerie des glaces éclairée par le soleil rougeoyant de fin d’après-midi. Ce spectacle m’enchantait. Je n’avais pas ce besoin de photos pour immortaliser le moment. La majesté de cet endroit immuable et changeant était en moi.

Au retour de cette promenade, je traversais la place d’armes et je maudissais le franchissement de la rue qui longe la place. Le flot de voitures y est important, mal canalisé par des feux dont on ne sait pas s’ils sont rouge, vert, orange ou s’ils ne fonctionnent pas. Avec ma mauvaise vue et un soleil couchant et aveuglant je ne pouvais distinguer les pictogrammes autorisant le passage des piétons. En général, en pareilles circonstances, j’imite les autres piétons dès qu’ils se risquent sur le passage en choisissant des familles avec enfants plus prudentes que les jeunes gens alertes qui s’engouffrent entre 2 voitures.

Ce jour-là, au pied du passage-piétons, il n’y avait qu’une seule personne qui patientait. Je suis plutôt réservé mais, bizarrement, je demandais à cet homme entrevu à contre–jour :

- Excusez-moi, je suis déficient visuel, voyez-vous le pictogramme ?

- Oui, Il vient de passer au vert ; nous pouvons traverser.

L’inconnu m’emboîta le pas tout en me parlant avec un léger accent que je ne définissais pas.

- J’ai visité les jardins du château. Quelle splendeur. Vous habitez Versailles ?

- Effectivement et j’adore ce parc qui fut, il y a quelques années,

l’endroit où je recherchais régulièrement la solitude et la réflexion.

- Vous avez de la chance ; je suis Algérien et depuis longtemps je rêve de visiter le château de Versailles.

Tout en cheminant, je découvrais que l’inconnu avait, effectivement, le type maghrébin, ou libanais ou palestinien ou syrien, ou …

Je poursuivis la discussion :

- Vous êtes à Versailles en touriste ?

Sa tenue vestimentaire, costume gris croisé, chemise blanche, cravate, indiquaient tout le contraire.

- Je suis ingénieur dans le pétrole ; je reviens d’une Convention qui s’est tenue en Allemagne et, ayant un peu de temps je suis passé par Paris ou j’ai fait mes études. Nostalgie de mes années d’étudiant. Et c’est là que les cendres du volcan ont cloué tous les avions au sol. Je me suis, alors, fait le plaisir de visiter Versailles. Je n’avais jamais eu cette possibilité dans ma période estudiantine, or, j’ai tout lu sur ce château ; c’était, pour moi, un rêve, un endroit qu’il me fallait absolument connaître. Je souhaitais y amener ma famille, mais, le hasard fait que je suis bloqué à Paris. Alors, je suis accouru à Versailles, un peu gêné de satisfaire égoïstement cette gourmandise. Dommage que les gardiens étaient en grève, eux-aussi, et que les visites intérieures étaient impossibles…

- Euh ! …

Nous étions arrivés près de l’office de tourisme ; nos chemins se séparaient. Il me lança :

- Si vous avez un peu de temps, je vous invite à boire quelque chose

J’eus un moment d’hésitation – de quoi pouvions nous parler?- et, finalement, j’acceptais.

Nous passâmes 2 heures à discuter du monde tel qu’il ne va pas. Quel plaisir d’entendre parler des rapports entre occident et monde arabe autrement qu’au travers des médias, mais par un homme sage, pondéré, connaissant les différentes cultures, humaniste et exposant sans agressivité des points de vue différents.

Nous nous sommes quittés sans échanger de carte de visite, de téléphone ou adresses. Notre conversation s’était située au-delà, dans un temps irréel issu d’un hasard absolu.

Un volcan qui éternue, un versaillais qui peine à traverser un passage-piétons, un français qui écoute des messages différents, un arabe bloqué en France, un arabe qui a toujours rêvé de Versailles, des gens qui se parlent.

Cette historiette est vraie. Certes, comme vous l’avez compris, elle ne s’est pas vraiment passée en décembre 2021. Mais, peu importe. L’esprit de Noël n’est pas qu’un moment, une saison, il devrait être de tous temps et gérer notre vie.

C’est la partie sombre qui fait le buzz, qui est vendeur, qui fait l’audience. Les manifestations d’humanité, d’écoute de l’autre, de solidarité sont, pourtant, nombreuses mais, hélas, ne font pas la une des médias.

On ne les décèle que dans les coins reculés des faits de société comme cette autre anecdote que je viens de dénicher

Pour briser le blues du début de semaine, un monsieur de 90 ans apporte des viennoiseries tous les lundi matin à sa jeune voisine de palier pour la remercier d’être étudiante en médecine. Ils ne s’étaient pas parlé auparavant ; aujourd’hui, régulièrement, ils prennent le thé ensemble.

Cette générosité, donner du temps sans rien attendre en retour est un véritable antidote à la morosité ambiante.

Je vous en donne un dernier exemple : en cette fin d’année, l’UNESCO vient d’inscrire la rumba congolaise au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Et, çà, c’est pas rien.

Bonnes fêtes de fin d'année et que l'esprit de noël soit avec vous

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