J’avais déjà compris que ce confinement ne s’arrêterait pas le 15 avril et qu’il se prolongerait beaucoup, mais beaucoup, mais très beaucoup !.
Je viens de comprendre, qu’en outre, on en sortirait en « tranches ». Je n’apprécie guère cette expression qui m’évoque une segmentation charcutière. Une tranche régionale, des tranches marquées par les résultats des tests sérologiques, et pour les plus de 60 ans, une reprise de vie sociale, liée à l’arrivée de traitements ou de vaccins.
Je risque, donc, d’être un très long confit.
J’avais déjà ressenti dans la première quinzaine du confinement, le besoin de structurer ce temps creux pour, comme le disent les différents médias, en profiter pour redonner du sens, des valeurs essentielles à notre existence et se retrouver (prosaïquement, jusque-là, c’est assez facile de se retrouver, même sans GPS dans son logement).
J’ai donc établi ma « to do list », ma liste de courses, les objectifs que j’avais oublié de définir en début d’année (prémonitoire ?).
Pour séparer l’essentiel de l’important, ou l’inverse, j’ai commencé par noter avec un plus ou un moins mes différentes activités pressenties.
1 - M’avancer pour mon activité future
- Le plus : préparer mes prochaines réunions, ce sera toujours çà de fait. C’est basique mais non dénué de bon sens.
- Le moins : quand auront lieu ces prochaines rencontres ? à la saint-glinglin assurément ? Jamais peut-être? Inutile de travailler pour un avenir aléatoire. En outre, cette période hors-sol m’installe progressivement dans une léthargie culpabilisante et peu propice à une activité dynamique.
2 – Améliorer mon anglais
- Le plus : pouvoir soutenir une conversation fluide au cours de mes voyages à travers le monde et ne pas me contenter des bases linguistiques me permettant simplement de dormir et manger.
- Le moins : Par le passé, j’ai déjà essayé plusieurs méthodes et, en général, je ne dépasse pas les premières leçons. En simplifié, je cale, régulièrement, après avoir compris que « my tailor was rich ». Il faut oublier les formations trop théoriques, rien de tel que l’imprégnation locale, J'ai donc participé à un stage pour adultes dans le Sud de l’Angleterre ;en fait, aux cours aussi magistraux que désespérants, j’ai pratiqué la school buissonnière ce qui est une forme d’apprentissage linguistique et sociétale. A titre d’exemple, mon premier échange avec un autochtone se fit lors de l’achat d’un umbrella ! . La nécessité surpassant ma timidité baragouinante.
Par ailleurs, le tourisme est interdit pour un temps indéterminé et suffisant pour oublier ce que j’aurais appris. Donc, pas besoin de l’anglais pour visiter Chateauroux; passons à autre chose.
3 – Pratiquer la méditation (recommandé en cette période)
- Le plus : s’ouvrir à l’équanimité. Il semblerait que cette technique soit préférable à l’alcool pour Gérer stress et anxiété.
- Le moins : après avoir téléchargé 3 applications qui m’avaient promis zen et sérénité, je bute toujours sur la première leçon, la même partout, consistant à gérer son souffle ( cynique dans cette période) et à prendre la pleine conscience de son corps et du présent. L’effet, chez moi, est désastreux : la voix suave censée m’envelopper de quiétude, de calme, ne m’entraîne que crispations, tremblements musculaires et désir de courir un 100 mètres, sprinter ou lever de la fonte. Donc, par expérience, inutile d’essayer à nouveau.
4 – Pratiquer l’archéologie photographique
- Le plus : redonner des couleurs à toutes ces photos anciennes qui se dessèchent, jaunissent, pour aboutir à l’album de ma vie.
- Le moins : où sont ces photos ? l’entreprise risque de tourner au cauchemar : localisation, dépoussiérage, archivage chronologique, transfert dans un format compatible avec nos technologies à obsolescence programmée, sauvegardes multiples sur le Cloud, Dropbox, clés USB, élaboration d’albums …il est probable que le vaccin soit trouvé entre temps.
Par ailleurs, cette plongée dans le passé par photos interposées ne peut qu’aviver la nostalgie : repas de famille incroyables avec plus de 10 personnes coude à coude autour de la table, pagaille microbienne, virale, bactérienne mais joyeuse et sans-soucis dans les rues d’Avignon lors du festival, approche audacieuse et exaltante des forêts ténébreuses du Costa Rica…
Comme le dit David Foenkinos « chaque grain de nostalgie est un rétrécissement du chemin menant à la mort’».
Pas le moment.
5 – Lire les économistes, les philosophes
- Le plus : Si ma mémoire tient le coup jusqu’au vaccin, je pourrai frimer dans les salons en étalant mon savoir sur les théories de keynes, Schumpeter, Stiglitz pour la relance économique ou Platon, Rousseau , Aron, Hanouna sur le renouveau de la vie en société.
- Le moins : L’histoire ne fait que contredire les théories économiques et Mme Irma est meilleure prévisionniste que la plupart de nos experts en tout et en rien (comme le dit le maître chinois Kia Chi Tsu).
Quant aux thèses philosophiques, elles n’ont plus aucun goût depuis ma classe terminale qui m’a fait connaître, sans le comprendre à l’époque, un professeur qui, par son comportement atypique, était l’incarnation même de la philosophie.
En définitive, je ne suis pas encore prêt pour cette démarche constructive, je dois encore analyser la peinture, la musique, la cuisine, le bricolage ( pas sûr pour le bricolage, ce n’est pas le moment d’aller aux urgences) ; pour l’instant, je vais me contenter de cultiver mon ennui en me réconfortant avec un texte de Paul Valéry : « L’ennui, c’est la vie toute nue. L’existence, quand elle se regarde, est toujours un peu ennuyeuse. Et si on traverse ce temps d’ennui, il me semble qu’il y a plein de choses dont il est porteur. Il ne faut pas avoir peur de s’ennuyer avec cette idée que, dans cet ennui, il y a des choses fécondes qui fermentent et qui ressortent le lendemain ».
Nota : en ce qui concerne l’anglais, je conseille Louis de Funès comme professeur. Suivre le lien :
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