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  • Photo du rédacteurLes instants du temps

CHUUTT !!!




Le silence est en voie de disparition. Vacarme, clameur, vrombissements, pétarade, fracas. C’est le boucan sur terre. Les sources de décibels sont de plus en plus envahissantes.


Dans l’intimité de notre logement, sans que l’on y prenne garde, les sons assaillent notre subconscient. Certains sont si présents qu’on les oublie jusqu’à l’instant de la saturation ; d’autres, moins fréquents, surgissent de façon intempestive et dangereuse pour notre système cardiaque :

- SMS et mails qui déboulent.

- Radio acceptable jusqu’au surgissement des publicités… ou d’un rap.

- Réveille-matin dont on croyait avoir éteint la 1° sonnerie.

- Réfrigérateur dont la porte est restée entrebâillée.

- Alarme anti intrusion qu’on a oublié de débrancher.

- Sonnerie du téléphone. Lequel ? Fixe ou portable ? Non, c’est un appel à la porte d’entrée, facteur, livreur, pseudo artisan qui veut absolument élaguer mes arbres ou réparer mon toit.


On peut ajouter ces bruits que les personnes atteintes d’hyperacousie, comme Goethe, Schopenhauer, Darwin, Proust, ne peuvent supporter : Bruits de bouche, succion, léchage, mastication, tapotements sur le clavier, aiguilles d’horloge, pas des voisins, articulations qui craquent, contacts des couverts …etc.


Mais tout cela n’est encore que broutille et bagatelle au regard de l’enfer extérieur.

- Trafic routier, avec la stridence des ambulances, des voitures de police ou de pompiers.

- Travaux avec marteaux piqueurs, appareils de soufflerie pour feuilles mortes, taille-haies, tronçonneuse et tondeuses…etc.

- Conversations téléphoniques inopportunes et discourtoises dans les transports en commun.

- Terrasses, bars, restos, où la cacophonie le dispute avec une musique prétendue d’ambiance.

- Tohu-bohu, piétinement des talons, annonces sonores, aussi puissantes qu’inaudibles, sur les quais de métro, tram, gares.

- Au-dessus de nos têtes, rotations des supersoniques, couloirs aériens des hélicoptères.


Désormais, dans les usines, les chantiers, mais aussi, les stades, les concerts, certains centres commerciaux, les protections auditives sont nécessaires.

Même la minute de silence est de plus en plus souvent remplacée par une minute d’applaudissements.


« Vos gueules les mouettes ! ». Mes oreilles n’en peuvent plus. Mes esgourdes sont saturées. Mes écoutilles débordent.

« il vaut mieux entendre ça que d’être sourd ».On peut se demander si cette formule est toujours d’actualité ?


Que faire ? D’autant que le bruit serait dans notre nature. Dans un article intitulé « Les silences de Sénèque », Alexandre Vincent évoque le caractère intemporel, naturel et intempestif du bruit à toutes les époques. En lisant la correspondance de Sénèque avec son ami Lucilius, on découvre que les nuisances sonores en tout genre n’ont pas attendu les klaxons des voitures pour exister : elles sont consubstantielles à toutes les cités humaines. Pour Sénèque, nous étions, déjà, des animaux bruyants.


Que faire ? Même le Monde du Silence du Commandant Cousteau est plein du bruit des navires, des vagues, de la pluie… Celui des fonds sous-marins est pollué par les araignées de mer qui mangent à proximité des coquilles Saint Jacques qui expulsent l’air qu’elles ont entre leurs deux valves . Ecoutez les oursins qui se déplacent au fond de l’eau et les homards et crevettes actionnant leurs pinces pour étourdir leurs proies, etc…




Dans le silence blanc de Jacques London, il y a le crissement des raquettes, les aboiements des chiens, les craquements de la glace …etc


Faut-il devenir chasseur de silence et partir à la recherche des « quiet parcs » labellisés ou de la petite cinquantaine de lieux dénués de tous bruits issus de l'activité humaine (dont aucun en France). Paul Claudel proposait des bains de silence.


Et que dire des flux de communication professionnels, médiatiques et même interpersonnels ? Partout, on discute, on palabre, on confère, on débat, on discourt, on jargonne, on baragouine, on ergote, on radote, on confabule, on babille, on jacasse, on déblatère… Certaines populations semblent avoir des cordes vocales supplémentaires.

Pour beaucoup, le silence est une véritable torture. Le verbiage incessant devient l’unique mode de relation au monde et certains doivent parler pour éviter de penser. Parmi eux, on trouve la personne qui a besoin de reconnaissance, celle dont les compétences d'écoute sont insuffisamment développées, celle qui veut détenir le pouvoir et le contrôle de la conversation, et, celle que je préfère, la narcissique conversationnelle.


Que faire dans ce cas? Faut-il opposer le silence à la parole ?

« Silence dans les rangs »?



Selon le proverbe, le silence serait d’or et Pascal disait « c’est dans le divertissement que l’homme se perd et dans le silence qu’il se trouve ».

Ce à quoi Pascal Quignard répond « Qu’habiter dans le silence serait une position insoutenable» et, personnellement, je ne me sens pas la vocation de moine trappiste dont le silence volontaire s’oppose à la vanité du monde.


Par ailleurs, la loi du silence est, également, empreinte de nocivité car elle peut dissimuler erreur et injustice (la parole est d’argent mais le silence endort) ou avoir une forte connotation politique.

Dans l'épisode du retour de Varennes en 1791, le silence demandé au peuple au passage du roi fugitif fut un acte de censure. « Le silence du peuple est la leçon des rois », disait-on. Ce silence peut être assourdissant.


Il n’est, donc, pas question de tomber dans l’audio terrorisme, mais une certaine modération dans le caquetage, bavardage et le flux médiatique incessant de la société du spectacle serait bienvenue.


Au cours de la semaine du son qui a lieu chaque début d’année, j’ai relevé le sondage suivant : 9 français sur 10 estiment que le silence est devenu un privilège.

Comment devenir ce privilégié ? Comment écouter le silence comme l’écrit Paul Valéry : « Entends ce bruit fin qui est continu, et qui est le silence. Écoute ce qu'on entend lorsque rien ne se fait entendre. » ou encore Antoine de Saint Exupéry « j’ai toujours aimé le désert. On s’assoit sur une dune de sable. On ne voit rien. On n’entend rien. Et cependant quelque chose rayonne en silence ».


Sans aller jusqu’au silence absolu qui, d’ailleurs, n’existe pas, pourquoi la sobriété, qui est à la mode, ne pourrait-elle pas s’appliquer également à l’agitation phonique.


Et, j’ai quelques pistes pour atteindre cette tranquillité.

- Investir dans une technologie qui nous prépare un nirvana auditif

Digipill propose de « déverrouiller notre subconscient » grâce à la psycho acoustique. En clair, l’étude des sensations auditives. Un trip en un clic ?. Rendez vous virtuel, téléchargement sur smartphone et en route pour le rêve, la sérénité, la semaine du silence.




Et, j’ai beaucoup mieux : les œuvres musicales silencieuses :

- une œuvre constituée des sons de l'environnement, que les auditeurs entendent lorsqu'elle est interprétée.

- Chiroptera, le compositeur indiqua que l'orchestre devait jouer « avec grande énergie mais sans faire de son ».

- Marche funèbre composée pour les funérailles d'un grand homme sourd, Alphonse Allais inclut les instructions suivantes : « Les grandes douleurs étant muettes, les exécutants devront uniquement s’occuper à compter des mesures, au lieu de se livrer à ce tapage indécent qui retire tout caractère auguste aux meilleures obsèques».

Liste complète de ces œuvres en suivant ce lien.


A remarquer que ces œuvres ont fait l’objet de plusieurs batailles de droits d’auteurs !!!



Et, j’ai encore mieux : sons et silences peuvent se magnifier mutuellement et engendrer des plages de plénitude :

- Les cloches, les sonnailles, le chant du coq dans le silence d’une campagne profonde (hormis pour quelques citadins).

- Le ressac le long d’une grève déserte.

- Le chant d’un oiseau au cœur de la forêt.

- « Dans une poésie, les silences sont une respiration, l’ombre des mots ou leur rayonnement » (Daniel Pennac).

- « Un silence entre 2 mots est une perle dans son écrin, il ne se prend pas à la légère, il s’écoute et peut se briser en une fraction de seconde » (Joffrine Donnadieu).

- En musique, les silences introduisent les ponctuations, les rythmes, les ambiances. Ce sont les soupirs qui permettent les contretemps dans un rythme syncopé, les pauses qui annoncent la répétition d’un thème, les annonces de l’arrivée tonitruante de nouveaux instruments dans une pièce. Ils font respirer les œuvres et permettent aux notes de se détacher et de s’envoler.


Simon et Garfukel ont dû y songer en composant The sounds of silence








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4件のコメント


berthejean
2023年3月19日

Nous avons tous vécu des moments semblables.


Nous en sommes au dessert du repas de mariage. Chacun pousse sa romance ou raconte une histoire pas toujours vraiment comique. Les voix s’éraillent. Les chanteurs improvisés essaient de couvrir le bruit des conversations. Le ton des conversations monte car on ne peut pas s’entendre avec ces faux Caruso qui s’égosillent. Les murs de la grande salle du restaurant ne sont pas du tout anéchoïques et l’aiguille d’un décibelmètre attendrait la zone rouge.


C’est le tour du jeune Brian. Il a appris une nouvelle chanson à l’école. La très fière Maman veut que tout le monde entende son actuel prodige et futur Alagna. Il est tellement mignon quand il entonne une souris verte.


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berthejean
2023年3月19日

Merci à l’auteur pour cette étude fort bien documentée. Voilà un article qui va faire du bruit !

Je partage les constats de l’auteur et regrette que notre société soit de plus en plus bruyante et perturbante. Je conteste néanmoins un tout petit point de détail. Le silence absolu existe. Je l’ai subi. C’est horrible ! Je vous raconte.


Connaissez-vous la chambre anéchoïque ?


Il s’agit d’une pièce totalement isolée du bruit extérieur par nombre de couches qui filtrent toutes les fréquences. Les murs sont recouverts de systèmes absorbants et non réfléchissants. Un bruit émis à l’intérieur n’est pas réfléchi. Elle est construite sur une superposition de dalles qui éliminent toutes les vibrations pouvant venir du sol. Aucune réverbération n’est…



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janinemeurin
2023年3月19日

"La parole est d’argent, le silence est d’or"

La SNCF a mis cet adage en pratique en créant les compartiments-silence. « WAGONS-ZEN », wagons de première évidemment, et avec supplément, évidemment, pour rémunérer le silence en plus du confort !

Preuve que le silence est devenu un luxe. Preuve aussi que les voyageurs qui paient le supplément pour s’installer en première ne sont pas toujours respectueux.

Wagon zen = Pas ou peu d’enfants, calmes ; et pas de papotage ;

Vous avez remarqué, 2 femmes qui voyagent ont vraiment beaucoup de choses à se dire. Comme si elles ne s’étaient pas vues depuis des années. Les hommes préparent leur réunion. L’air affairé, nous ne sommes pas des touristes, nous !

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janinemeurin
2023年3月15日

L'informatique joue des tours, des mauvais tours ... Le blog a été amputé de ses précieux commentaires ... incident momentané ? Il est à craindre que non.

Fidèles lecteurs, fidèles commentateurs, "Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage, vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage." Nicolas Boileau.

Refaites vivre ce blog même si René Char nous dit

"Avec ceux que nous aimons, nous avons cessé de parler, et ce n'est pas le silence."

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