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  • Photo du rédacteurLes instants du temps

C’était mieux avant ?








Georges Pérec a écrit un ouvrage dont chaque phrase   commence par « je me souviens… », petits morceaux du quotidien, des choses que, telle ou telle année, tous les gens d’un même âge ont vues, ont vécues, ont partagées.il évoque avec une certaine nostalgie toutes ces choses disparues.

« Je me souviens …que c’était mieux avant » confirment 73% des français selon un sondage réalisé le 10 octobre 2023. Certitude que le monde tournait bien mieux avant, que l'humain avait de plus hautes aspirations, que l'intelligence n'avait pas encore capitulé...

 

Etait- ce vraiment mieux avant ?

D’une part, de quel avant s’agit-il ? L’an passé ? il y a 20 ans, il y a un siècle ? C’est que cette affirmation n’est pas récente, ça fait 2 000 ans que ça dure !

On peut citer Valérius Caton (1° siècle avant JC): « Est-ce ma faute si nous n’en sommes plus à l’âge d’or ? Il m’aurait mieux valu naître alors que la Nature était plus clémente. Ô sort cruel qui m’a fait venir trop tard, fils d’une race déshéritée ! », ou Juvénal (2° siècle), dans ses Satires : « Déjà du temps d’Homère notre race baissait. La terre ne nourrit plus aujourd’hui que des hommes méchants et chétifs »…


D’autre part, de nombreux contre-exemples pragmatiques viennent contrecarrer l'idée d'un monde forcément plus noir qu'hier comme le soulignait avec force Michel Serres dans son manifeste « C'était mieux avant », en 2017 : Avant, "les usines sans contrainte, répandaient leurs déchets dans l'atmosphère, ou la mer, ou la Seine, le Rhin ou le Rhône", avant "on ne connaissait pas les antibiotiques, on mourait de vérole ou de tuberculose", avant, «il n'y avait pas de soins palliatifs », avant "les chambres à coucher restaient glaciales tout l'hiver", etc.

Le confort moderne est indéniable. Avant, pas de lave-linge, pas de wc (cabane en bois au fond du jardin), pas de salle de bain (gant de toilette devant une bassine), pas de chauffage (une cheminée pour cuire les aliments) etc…




 

Pourtant, malgré toutes les avancées, qu’elles soient technologiques, médicales ou sociétales, qui tendent à faciliter notre quotidien, la majorité des français assure que «c’était mieux avant ».

 

Comment expliquer cette attitude ?  

L'âge d'or, c'est bien connu, c'était toujours avant. Ne parle-t-on pas des Années Folles ou des 30 Glorieuses ! 

Il doit y avoir une explication cognitive, un biais humain à préférer le passé pour que cette opinion soit à ce point répandue. 

Des études de l’Université de Caroline du Nord ont récemment montré que nous avions tendance à nous remémorer davantage les événements passés positifs que les événements négatifs.

Selon le psychologue Serge Ciccotti, il existe deux raisons principales à cet effet "C'était mieux avant" : dans le présent, nous sommes plus sensibles au négatif qu’au positif tandis que la mémoire, en revanche, retient le positif et oublie le négatif et nous sommes plus affectés par les mauvaises nouvelles que par les bonnes, nous voyons plus les défauts que les qualités : «Beaucoup d’évolutions positives sont invisibles et les médias nous abreuvent d’événements négatifs – attaques terroristes, incendies, tsu­namis… – notamment en raison de leur côté spectaculaire ».

En outre, des travaux ont montré l’existence d’un "effet d’effacement" qui s’accentuerait avec l’âge : dans un contexte d’anxiété générale, les anciennes générations auront tendance à se réfugier d’abord dans ce qui leur est familier plutôt qu’à se tourner vers des idées de rupture.

 

Toutefois, sans me définir comme passéiste selon la définition du petit Larousse « attitude de repli sur les valeurs du passé », je ne peux m’empêcher d’estimer que certaines situations sociétales d’un passé récent étaient, incontestablement, plus plaisantes qu’actuellement.

 

Je vous en partage quelques-unes sous forme de courtes scénettes.

 

Scène 1 : Michel doit aller dans la forêt après la classe, il montre son couteau à Jean, couteau avec lequel il pense se fabriquer un lance-pierres.

-      Avant : Le directeur de l’école voit son couteau, le trouve très fonctionnel  et lui demande où il l'a acheté pour aller acheter le même.

-      Année 2023: L'école ferme, on appelle la gendarmerie, on emmène Michel en préventive. BFM présente le cas aux informations en direct depuis la porte de l'école et organise des débats pendant une semaine. Cnews s’interroge sur l’origine ethnique de Michel et ses éventuels commanditaires. Les voisins des parents de Michel dénoncent l’ensauvagement des jeunes et le péril terroriste. Pour certains, les ministres de l’Intérieur et de l’Éducation Nationale devraient démissionner.  


  Scène 2: Discipline scolaire. Michel fait une bêtise en classe. 

- Avant: Le prof lui en colle deux. En arrivant chez lui, son père lui en recolle deux autres. 

  - Année 2023 : Le prof s’excuse auprès de Michel pour avoir haussé le ton et remet en cause la qualité de son enseignement. Le père de Michel lui achète une moto pour le consoler et va casser la gueule du prof.


Scène 3 : Dans la cour de récréation, Franck (12 ans) et Marc (11 ans)  se disputent et échangent quelques coups de poing.  

 - Avant : Les camarades de classe les encouragent. Fin rapide du combat, Marc gagne mais Franck n’a pas perdu. Ils se serrent la main et deviennent copains pour toute la vie. 

  - Année 2023: Le combat est plus brutal. L'école ferme. Une cellule psychologique est créée. Les chroniqueurs de LCI s’interrogent sur  la violence scolaire et remettent en cause le Ministre de l’éducation. Le Journal du Dimanche en fait sa une et écrit 5 colonnes sur la délinquance dans les quartiers. Europe 1 tend ses micros aux parents d’élèves qui décident de porter l’affaire devant les juges.  



  Scène 4 : Eric (14 ans) casse le pare-brise de la voiture d’un voisin son père sort le martinet et lui fait comprendre le respect du bien d’autrui. 

 - Avant : Eric comprend la gêne des voisins, présente des excuses. L’incident est oublié. Eric grandit normalement, fait des études, va à la fac et deviendra un excellent homme d'affaires.  

 - Année 2023: La police arrête le père d'Eric pour maltraitance sur un mineur. Eric perd ses repères, rejoint une bande de délinquants. Le psy arrive à convaincre sa sœur que son père abusait d'elle et le fait mettre en prison. 


 Scène 5 : Jean (10 ans) tombe lors d’une épreuve de course à pied, se blesse au genou et pleure. Sa prof, Jocelyne, le rejoint, nettoie les écorchures, le prend dans ses bras pour le réconforter.  

 - Avant : En deux minutes Jean va beaucoup mieux, rejoint ses camarades et continue la course.  

 - Année 2023: Jocelyne est accusée de perversion sur mineur et se retrouve au chômage, elle écopera de 3 ans de prison avec sursis. Jean va de thérapie en thérapie pendant 5 ans. Ses parents demandent des dommages et intérêts à l'école pour négligence et à la prof pour traumatisme émotionnel. Ils gagnent les deux procès. La prof, au chômage et endettée, se suicide en se jetant du haut d'un immeuble. Plus tard, Jean succombera à une overdose au fond d’un squat.     


    Scène 6: Fin juillet. Pour Olivier, père de famille avec 2 enfants, C’est la fin des vacances.

  - Avant: Après avoir passé 15 jours de vacances en famille en Bretagne dans la caravane tractée par une 403 Peugeot, les vacances se terminent. Le lendemain il repart au boulot, sifflotant, frais et dispos.  

 - Année 2023 : Après 2 semaines aux Seychelles obtenues à peu de frais grâce aux tickets vacances du Comité d’entreprise, Olivier rentre fatigué et excédé par 4 heures d’attente à l’aéroport, suivies de 12 heures de vol et escale en pleine nuit à Dubaï. Au boulot il lui faut 1 semaine pour se remettre du décalage horaire et songe qu’il va prendre ses RTT pour se reposer.  


  Scène 7 : Suivons Olivier lors de son trajet en avion.

-      Avant: Il voyage dans un avion d'Air France, on lui sert un repas ou une collation selon le trajet et l’invite à boire ce qu’il veut, le tout servi par des  hôtesses de l'air agréables et souriantes. Le siège est si large qu'on  pourrait s’y asseoir à deux.

-      Année 2023 : Olivier entre dans un avion low cost  (avec options) en continuant d'attacher sa ceinture et ses chaussures que les contrôles lui ont fait retirer. Il s’assoit sur le  siège et en respirant trop fort il  met un coup de coude à son voisin. Il a soif, le steward lui apporte la carte qui précise que les cartes bancaires sont acceptées.




 

Scène 8: En classe de mathématiques, le professeur propose un exercice.

-      Avant : calculer l’aire d’un champ rectangulaire dont les côtés mesurent 30 m  et 20 m.

-      Année 2023 : Si cela ne te gêne pas, colorie le rectangle dans la couleur de ton choix, sinon fais ce que tu veux mais en respectant les valeurs de la République.

 

Scène 9 : De jeunes adolescentes se promènent dans une rue.

-      Avant: Les tenues  sont fraiches et colorées. Jupes plissées s’arrêtant au niveau du genou, corsage sage.

-      Année 2023 : Crop Top  ne couvrant pas grand-chose.  Anneau dans le nez, piercings aux lèvres, aux sourcils, aux oreilles, servant d’amulette pour empêcher une nouvelle attaque d’ours sur leurs jeans déchiquetés découvrant les tatouages sur les jambes (à moins que l’état des jeans ne provienne  d’une invasion de mites dans leurs placards).




 

Scène 10 : Une famille (les parents et 2 enfants) s’installent à la table d’un restaurant.

-      Avant : Dans l’attente du menu, on commente ce que l’on vient de faire et on programme l’après-repas. Maman a toujours un petit livre dans son sac…

-      Année 2023 : Tout le monde a sorti son smartphone.



Scène 11 : la même famille regarde la télé

-      Avant : La famille est rassemblée autour de Belle et Sébastien, les shadocks, le Muppet show., 36 chandelles Les enfants s’endorment avec Nicolas et pimprenelle.  Pierre Desproges ou Raymond Devos sont les chantres de l’humour.

-      Année 2023 : Le père s’est abonné à canal+, RMC, Prime video, Eurosport pour ne pas rater un match. La mère, sur un autre écran, préfère les plateformes Netflix, Disney+, OCS. Les enfants jouent sur leur tablette et tombent sur un porno.

 

Certaines de ces scénettes ne sont que légèrement caricaturales et vous pouvez, sans doute, en décrire bien d’autres.



Tout tend à prouver que cette nostalgie du passé témoigne surtout de l'espérance d'un avenir meilleur…Or, il existe un domaine où la régression semble indiscutable : l'état de notre bonne vieille Terre. 

 

 

Nicolas Bedos s’exclame : « Oh oui décidément, c'était tellement mieux avant. Mais, le plus cruel, c'est que le fait de regretter hier avec les yeux de maintenant ne nous permet pas d'apprécier tout de suite avec les yeux de demain ».

 

 

 

 

 

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18 Comments


berthejean
May 06

C'était mieux avant?


En fait la question est d'abord: avant, c'était quand?


Avant cette épidémie de Covid 19 qui a traversé la planète, le temps n'avait pas d'instants. C'était fort dommage et il fallait bien que quelqu'un s'y mette et fasse vivre ces fameux instants.


Ce qui fut fait. Merci à l'auteur de ce forum qui les a animés et fait vivre. Instants de qualité qui aidaient à voir passer le temps. Cet avant là était décidément mieux. Nous en avons goûté tous les instants.


Et puis, le COVID a frappé notre petite équipe. Ce ne fut pas bien grave, mais il semble qu'un des effets secondaires, apparemment non recensé par la médecine, fut que le temps a de nouveau…


Edited
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berthejean
Apr 03

Avant, un menu était pour moi la promesse d'un bon repas. Sa lecture faisait rêver, saliver, hésiter, échanger avec ses voisins de table, changer d'avis.


Aujourd'hui, un menu est pour beaucoup la certitude d'un mal de tête avec complications et inflammation des synapses.


Je m'explique.


Le lecteur, l'a aussi subi, il y a quelques jours nous avons changé d'heure. Nous sommes passés à l'heure d'été. Fantastique, j'aime bien cette heure d'été. Quel rapport? Et bien voilà.


Avant, sur une ancienne voiture, pour changer l'heure de l'horloge du tableau de bord il y avait un petit bouton qu'il fallait tourner pour mettre cette horloge à l'heure. Environ une demi-seconde suffisait pour passer à cette fameuse heure d'été. C'était top, comme on…


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janinemeurin
May 07
Replying to

Merci, sincèrement ... encore une fois on sent le vécu. Certains diraient "le ronchon, il est dépassé, papy" ... Moi, je le connais, je peux affirmer que non, pas dépassé mais exigeant, une valeur perdue, partout, pour tout.

Dispositif sur les véhicules = on nous vend de la technologie inutile ;

J'avais l'habitude de louer une voiture un peu puissante pour partir en WE. Le responsable voulait me faire plaisir et m'octroyait des voitures plutôt bien. Un vendredi soir, nous partons avec une KADJAR neuve (20kms au compteur)

Arrivés sur le périphérique, un bruit ÉNORME nous fait sursauter. Inquiétude ! je sors du périphérique et j'appelle vite Renault ; j'ai la chance de joindre mon interlocuteur habituel (vendredi 17h30)."Vous avez…

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janinemeurin
Mar 07

Il parait que ça s'appelle le progrès !

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janinemeurin
Mar 01

Désormais, dans les entreprises, les collaborateurs disposent d'une ligne directe "mobile". Si votre correspondant ne décroche pas, aucune solution de secours. Même pas de répondeur !☎️

Avant, on appelait une ligne fixe et quand ça ne répondait pas, on basculait sur le standard qui trouvait (parfois / souvent) une autre personne capable de répondre à votre question.

Donc, c'était mieux avant.📞

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berthejean
Feb 29

Deborder? Déborder quoi?


Non, je voulais dire: Ce Qui Fait Déchanter !

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